Dawala, profession : « Wati Boss » de Sexion d’Assaut
Ce Franco-Malien passionné de musique produit le groupe Sexion d’Assaut, tout en menant de front quantité d’autres projets.
Cet homme agit comme un aimant. Sa simple arrivée dans une pièce suffit à y faire tripler le nombre de personnes. Parce qu’il « aime les gens »… Suivre Dawala s’apparente ainsi à un marathon de serrages de main, de salutations et de « Dawala tu ne m’oublies pas, hein ! » lancé en pleine rue par un artiste qu’il produit. Ce n’est qu’une fois arrivé dans le sous-sol de sa boutique de vêtements, dans le quartier de Châtelet-Les Halles (Paris), que son rythme ralentit.
À 38 ans, ce Franco-Malien, habillé comme un gamin de 15 ans avec jean, baskets et casquette vissée sur la tête, est un incontournable du rap français. Il produit et manage le groupe Sexion d’Assaut, dont le premier album, L’École des points vitaux, sorti en 2010, s’est vendu à plus de 1 million d’exemplaires, et le second, L’Apogée, à près de 500 000. Dans une industrie du disque en pleine crise et au sein de laquelle les musiques urbaines sont souvent les premières touchées, leur succès étonne.
« Aujourd’hui, tout est dans le concept », affirme Dawala. Avant d’ajouter, sûr de lui : « Il n’y a pas de secret. Pour que ça marche, il faut faire entrer le public, les maisons de disques, les médias, dans un monde. » Son univers à lui, c’est Wati B. Cet acronyme qui est à la fois le nom de son label et sa marque de vêtements vient de l’expression bambara warati bé, qui signifie « à tout moment ». Elle résume sa manière de fonctionner : ne jamais s’arrêter et occuper le terrain. Comme il l’explique : « Sexion d’Assaut, ce sont certes des ventes de disques, mais pour que cela soit rentable il faut des DVD, de la télévision, de la radio, des vidéos, des partenariats, des concerts, etc. » À l’entendre, on le croirait sorti tout droit d’une école de commerce. Les fioritures en moins et l’accent de banlieue en plus.
Pourtant, ni master ni même baccalauréat pour celui qui paie aujourd’hui l’impôt de solidarité sur la fortune, mais un simple CAP plomberie, obtenu à 17 ans. « J’ai appris sur le tas », dit-il avec une certaine fierté. Avant d’ajouter : « Je ne connaissais rien à la production, surtout au niveau administratif. Au début, j’ai fait beaucoup d’erreurs et j’ai perdu autant d’argent que j’en ai gagné. »
Dadia et awala
Né en 1974 à Paris, Dadia Diakité passe son enfance à Nioro du Sahel, une ville de la région de Kayes, au Mali. À 11 ans il revient à Paris, dans le quartier de la Goutte-d’Or. Bagarreur, il se fait rapidement remarquer. Ses amis l’affublent du surnom de Dawala, sorte de contraction entre Dadia, son prénom, et awala, un mot de soninké qui signifie « arrête ! ».
Après avoir enchaîné les classes de perfectionnement en français et les formations, il s’essaie à différents métiers : plombier, vendeur, chauffeur de poids lourds, footballeur et éducateur sportif. Passionné de musique, il passe son temps libre à écouter les rappeurs français du Secteur Ä (Passi, Stomy Bugsy, etc.), de la Mafia K’1 Fry (Kery James, 113, etc.). Quand il déménage avec sa famille dans le quartier Danube (XIXe arrondissement de Paris), il commence à côtoyer de jeunes artistes, dont un certain Oxmo Puccino. Il enregistre des compilations et aide ses aînés à gagner de l’argent avec des concerts. Lentement, sûrement, la tête brûlée tisse son réseau.
En 2000, âgé de 27 ans, il prend la décision de lancer son label, sur ses économies, et repère plusieurs jeunes rappeurs qui ne se connaissent guère. Lui vient alors une idée qui changera tout : « Je leur ai dit que ce serait difficile de les faire tous connaître et qu’en créant un seul groupe leur force de frappe serait beaucoup plus grande. » La stratégie nécessitera cinq années de galères avant de se révéler payante. « On a vendu nos premiers CD de la main à la main. Parfois, je me rendais moi-même dans les magasins pour convaincre les vendeurs de mettre nos disques en rayon ! »
Projets
Concerts, vidéos, réseaux sociaux, Dawala bâtit au fil du temps une « Wati Family ». En 2010, lorsque le groupe Sexion d’Assaut se retrouve au coeur d’une polémique pour des propos homophobes, il monte au front pour déminer. « Gérer un groupe s’apprend au quotidien. Ce n’est pas évident, car j’ai souvent le mauvais rôle, celui du grand frère qui fait la leçon et que l’on n’écoute pas toujours. »
Désormais, il produit près d’une dizaine d’artistes. Devenu une PME de huit personnes, son label vient de signer un accord avec Sony Music et devrait s’installer rapidement dans les locaux du géant mondial. Après avoir créé sa marque de streetwear, Dawala s’est aussi lancé dans le sponsoring sportif, comme avec le boxeur franco-malien Mohamed Diaby et le club de football de Montpellier.
Des projets ? Un long-métrage, une équipe de foot au Mali, une nouvelle collection… Il aurait d’ailleurs pu en parler des heures si l’antiquité qui lui sert de téléphone ne s’était pas frénétiquement mise à sonner. « Je n’ai pas de smartphone, je préfère les modèles à l’ancienne. Autrement, je ne pourrais pas travailler, tout est déjà assez compliqué comme ça ! » Atypique, vous disiez ?
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