Obama – Netanyahou : dernier round
Torpillé par le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou lors de son premier mandat, le président américain Barack Obama profitera-t-il de sa réélection pour revenir à la charge et convaincre Tel-Aviv de ne plus faire obstacle à la création d’un État palestinien viable ?
Fraîchement réélu, le président Barack Obama devrait maintenant chercher le moyen de contenir Israël, de faire cesser et même reculer la colonisation en Cisjordanie et, enfin, d’oeuvrer à la création d’un État palestinien. C’est ce qu’attendent de lui le monde arabo-musulman et tous les hommes de bonne volonté qui souhaitent la paix au Moyen-Orient.
Pourra-t-il y parvenir ? Les obstacles sont colossaux. Les États-Unis sont eux-mêmes profondément divisés sur le sujet. L’islamophobie y est devenue endémique. De puissants lobbys, think-tanks, commentateurs et intérêts financiers vont certainement remuer ciel et terre s’ils sentent Obama se démarquer, ne serait-ce que d’un petit pas, du consensus sur l’« inébranlable » alliance américano-israélienne. Surtout, la Chambre des représentants, dominée par les républicains, se situe majoritairement du côté israélien. Or Obama doit collaborer étroitement avec le Congrès pour trouver des compromis sur les questions intérieures urgentes. Dans ce contexte, serait-il bien avisé pour lui d’aborder le sujet hautement controversé de la crise israélo-palestinienne ?
En Israël, le Likoud de Benyamin Netanyahou s’est allié avec Israel Beitenou, le parti nationaliste d’Avigdor Lieberman, pour la campagne des législatives de janvier prochain. Tout gouvernement issu de cette coalition sera plus déterminé que jamais à se battre pour la constitution d’un « Grand Israël », tout en refusant aux Palestiniens la perspective d’un État. Alors que dépérit le camp de la paix dans l’État hébreu, les forces fanatiques y prospèrent, rassemblant des colons violents et sans contrôle, des nationalistes religieux et autres militants de la droite radicale et raciste. En 1995, Yitzhak Rabin, le dernier Premier ministre israélien à avoir sérieusement envisagé la paix avec les Palestiniens, était assassiné par un Juif fanatique ultraorthodoxe de droite. Quel dirigeant israélien – et quel président américain – oserait courir le même risque ?
L’islamophobie est devenue endémique aux États-Unis.
Aussi importants soient-ils, ces obstacles ne sont pas les seuls qui pourraient se dresser devant une initiative américaine. Toute tentative de Washington pour tempérer la politique israélienne est également limitée par les solides liens intergouvernementaux et économiques forgés depuis des années entre les deux pays, en particulier dans les domaines de la défense et du renseignement. Dans ces secteurs clés de sa sécurité nationale, Washington obtient d’Israël quelques utiles secrets. Enfin, il faut prendre en compte les nombreux engagements qu’Israël et ses amis d’outre-Atlantique – de Henry Kissinger à Dennis Ross – ont arrachés aux administrations américaines successives, comme celui de garantir la supériorité militaire d’Israël sur ses voisins et la promesse de ne rien faire sur le front de la paix sans consulter préalablement Tel-Aviv. En d’autres termes, tout président américain qui voudrait s’investir dans la promotion d’une paix juste et équilibrée au Moyen-Orient se retrouverait pieds et poings liés avant même de se lancer dans une si périlleuse aventure.
Cycle infernal
Pourtant, Obama sait très bien ce qui doit être fait. Si l’expansion des colonies israéliennes se poursuit et si les Palestiniens n’obtiennent pas leur État au cours de son second mandat, il faudra prononcer l’acte de décès de la solution des deux États. Ce qui libérera un tsunami de haine, de frustration et de vindicte aussi bien contre les États-Unis que contre Israël. Combien de temps encore l’État hébreu pourra-t-il continuer d’occuper et d’engloutir la Cisjordanie sans être confronté à une troisième intifada et à la réprobation internationale ? Les événements des deux semaines passées nous ont de nouveau rappelé l’extrême dangerosité d’un affrontement israélo-palestinien avec son cycle infernal d’attaques et de représailles. Israël a délibérément envenimé la crise en assassinant mercredi 14 novembre le chef militaire du Hamas, Ahmad Jaabari, meurtre qui semblait destiné à provoquer une réaction violente. Le fils de Jaabari et plusieurs autres Palestiniens, dont un enfant, ont été tués dans ce bombardement ciblé. Comme si l’État hébreu cherchait un prétexte pour envahir de nouveau Gaza. Mais combien de fois encore Israël pourra-t-il envahir Gaza pour éliminer les « terroristes » qui osent se défendre ? Quand est-ce qu’Israël choisira de faire la paix avec ses voisins plutôt que de toujours chercher à les soumettre par la force brutale ? N’est-il pas temps pour les États-Unis de raisonner son impétueux allié ?
Car il ne s’agit pas uniquement d’un problème moyen-oriental, loin de là. Des intérêts vitaux américains sont en jeu. L’alliance « inébranlable » avec Israël expose les États-Unis à la colère des peuples dans la vaste région qui s’étend de l’Afghanistan au Yémen, car au premier rang des griefs arabes et musulmans figure le sort de la Palestine. Obama sait en outre que l’actuelle montée en puissance de l’islam politique dans le monde arabe pose un défi majeur à la présence et à l’influence américaines. La seule manière pour Washington de restaurer sa réputation écornée est de négocier une paix israélo-arabe centrée sur la création d’un État palestinien. Telle était l’idée exprimée par Obama dans son discours du Caire en juin 2009. Elle a été mise en échec par Netanyahou, mais le président réélu doit à tout prix réessayer.
Si Washington veut conserver une influence sur la région, il devra s’élever au-dessus de la mêlée.
Israël a identifié l’Iran comme son plus dangereux ennemi. Mais le militantisme anti-israélien de Téhéran s’évanouirait du jour au lendemain si l’État hébreu venait à conclure une paix honorable avec les Palestiniens. Le seul moyen pour Obama de parvenir à un accord gagnant-gagnant avec l’Iran qui mettrait fin à la menace de prolifération nucléaire et restaurerait les relations entre les États-Unis et la République islamique après trente-trois ans d’une incohérente hostilité est de régler la question israélo-palestinienne.
Principal défi
Si Israël et l’Iran sont à couteaux tirés, c’est essentiellement à cause de la répression impitoyable menée par Israël contre les Palestiniens, pour qui les Iraniens, comme la plupart des musulmans, ressentent une grande empathie. Il y a bien sûr d’autres raisons à cette inimitié réciproque. L’Iran est sous la menace constante d’une attaque israélienne et il est la cible de violentes dénonciations. Israël, en retour, subit la rhétorique agressive de Téhéran. Autre raison fondamentale, Israël considère que sa sécurité nationale passe par l’affaiblissement – idéalement la destruction – de tout voisin susceptible de constituer une menace. L’Irak était la première cible d’Israël, qui a persuadé les États-Unis de le détruire. C’est maintenant au tour de l’Iran de faire face à la charge américaine aiguillonnée par Tel-Aviv. La Syrie, alliée de l’Iran, est en train de s’autodétruire. Mais une fois sa destruction achevée, la vigilance létale d’Israël se tournera sans aucun doute de nouveau contre le Hamas à Gaza et contre le Hezbollah au Liban. L’Arabie saoudite et les pays du Golfe seront-ils les prochaines cibles d’une agression israélienne ?
Obama doit traiter de nombreux dossiers urgents de politique extérieure, dont le recentrage de la puissance militaire américaine en Extrême-Orient pour contenir le défi chinois. Mais il ne peut se permettre de négliger le monde arabo-musulman. Les États-Unis y sont confrontés à leur défi le plus immédiat, plus pressant même que le défi chinois. Amener la paix dans un Moyen-Orient tourmenté sera la tâche principale d’Obama pour son second mandat. Le seul moyen pour les États-Unis d’y parvenir est de s’élever au-dessus de la mêlée et de se montrer enfin capables de traiter avec les deux camps sans préjugé ni parti pris.
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