Kenya: le spectre du tribalisme aux élections générales

À trois mois des élections générales, la multiplication des violences inquiète. La classe politique, elle, souffle le chaud et le froid sur les braises du communautarisme.

Mouvement de foule dans un quartier de Nairobi, le 19 novembre. © AFP

Mouvement de foule dans un quartier de Nairobi, le 19 novembre. © AFP

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 5 décembre 2012 Lecture : 2 minutes.

Un Luo a été réélu à la tête des États-Unis d’Amérique. Un Luo pourrait être élu à la tête du Kenya : candidat à l’élection présidentielle prévue pour le 4 mars 2013, l’actuel Premier ministre, Raila Amolo Odinga, est en tête dans tous les sondages. Il faut dire que la situation lui est particulièrement favorable. Son ancien allié devenu rival, Mwai Kibaki, ne peut plus se présenter, et toute une flopée de prétendants de moindre ampleur – Uhuru Kenyatta, William Ruto, Martha Karua, Eugene Wamalwa, Kalonzo Musyoka, Musalia Mudavadi – vont se disputer les suffrages des électeurs.

Un boulevard pour le fils du premier vice-président kényan, Oginga Odinga, qui ne parvint jamais à la magistrature suprême ? Pas si sûr. Le spectre des violences consécutives à l’élection de 2007 (1 300 morts, 300 000 déplacés) plane toujours sur ce pays de la vallée du Rift où les lignes de fracture économiques, ethniques et religieuses restent dotées d’un fort potentiel sismique.

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Tribalisme

« L’heure du Kenya est venue, nous devons condamner le tribalisme et nous en débarrasser une fois pour toutes en nous unissant au-delà de nos appartenances pour réaliser les rêves des pères fondateurs de la nation », a déclaré Odinga lors d’un meeting de campagne. Au même moment, plusieurs éruptions de violence sont venues rappeler la persistance de nombreux foyers de tension. Le 10 novembre, alors qu’ils poursuivaient des voleurs de bétail de l’ethnie turkana, des policiers sont tombés dans une embuscade, et une quarantaine d’entre eux ont été massacrés. Par crainte de représailles des membres de l’ethnie samburue, quelques milliers de Turkanas ont aussitôt quitté la ville de Baragoi, à 350 km au nord de Nairobi.

« Représailles », voilà un mot qui ne cesse de revenir dans la bouche des uns et des autres. Ainsi, l’attentat contre un bus, le 18 novembre à Nairobi, qui a fait neuf morts a-t-il déclenché une flambée de violence anti-Somaliens. Depuis que l’armée kényane s’est militairement engagée dans le bourbier voisin, les attaques à la grenade se sont multipliées dans la capitale. Jamais revendiquées, elles sont la plupart du temps attribuées aux milices Shebab, nourrissant un fort ressentiment de la population qui, de fureur, s’en est prise cette fois aux habitants d’origine somalie installés dans le quartier d’Eastleigh, surnommé « la petite Mogadiscio ». Mais ce type de heurts n’est pas cantonné à Nairobi. La ville de Garissa, dans l’est du pays, a connu dans la foulée des violences du même ordre, qui ont provoqué la mort d’une personne et fait de nombreux blessés.

Transparence

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La classe politique kényane a-t-elle les moyens, ou même la volonté, d’en finir avec des rivalités communautaires dont le substrat est souvent beaucoup plus économique qu’ethnique ? Ce n’est pas prouvé. Partisan d’Odinga, le ministre de la Pêche, Amason Kingi, a ainsi fustigé ces dirigeants qui « mettent aux enchères leur communauté avec un objectif d’exploitation politique fondée sur des alliances ethniques ». Sans doute visait-il la coalition de circonstance unissant Uhuru Kenyatta et William Ruto, tous deux poursuivis par la Cour pénale internationale à la suite des violences postélectorales de 2007 et qui doivent être jugés à partir du mois d’avril.

Dans cette ambiance tendue, le président Mwai Kibaki a lancé le 19 novembre le processus d’enregistrement biométrique des votants, qui devrait en théorie permettre des élections générales transparentes. Seul problème de taille : la Commission électorale indépendante n’a que quelques mois pour enregistrer 18 millions d’électeurs

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