Cessez-le-feu à Gaza : tout le monde bombe le torse
Armée israélienne d’un côté, Hamas de l’autre, chacun proclame sa victoire après le cessez-le-feu du 21 novembre. Mais les vrais gagnants sont les extrémistes des deux camps.
Tirs de joie et parades palestiniennes à Gaza, discours victorieux et autocongratulations du gouvernement israélien à Jérusalem… Chacun des protagonistes de cette guerre de huit jours prétend l’avoir gagnée. « Mission accomplie », clament de concert l’armée israélienne et les milices gazaouies. Une nouvelle fois, on a assisté à un conflit asymétrique, tant par les moyens utilisés que par la tactique et les objectifs. Les deux camps peuvent donc se targuer de leur succès…
« Nos combattants ont déjoué tous les calculs de l’occupant. Il ne peut tout simplement plus nous envahir », a claironné Ismaïl Haniyeh, le Premier ministre du gouvernement du Hamas à Gaza. « Nous avons liquidé plusieurs de leurs commandants, détruit des milliers de roquettes dirigées vers le sud et la plupart de celles [envoyées] vers le centre d’Israël. Nous avons aussi détruit des centres stratégiques du Hamas », se félicitait au même moment Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien. Mais au-delà de ces rhétoriques triomphatrices, qui sont les vrais gagnants et perdants ?
Politiquement, la victoire revient aux partis au pouvoir, à Gaza comme à Jérusalem. Pendant la bataille, l’opposition israélienne a fait bloc derrière le Premier ministre de droite, et la majorité de l’opinion centriste approuve l’accord de cessez-le-feu qu’il a conclu. À quelques semaines des élections législatives, Netanyahou, chef du Likoud, se présente ainsi comme celui qui peut faire la guerre et sait faire la paix. « Il a mené une opération militaire à des fins électoralistes flagrantes, estime Salam Kawakibi, chercheur syrien au Centre d’initiative pour une réforme arabe. En l’absence de programme économique et social convaincant, Netanyahou s’est employé à récolter des voix en recourant à la peur et à la guerre. Il n’est pas le premier dirigeant israélien à agir ainsi. »
Droite décomplexée
C’est également une victoire politique pour le Hamas, qui a prouvé qu’il disposait de capacités militaires accrues et dont le chef a reçu les félicitations de son rival Mahmoud Abbas, leader du Fatah, le parti palestinien qui gouverne la Cisjordanie. Kawakibi y voit un effet positif : « La solidarité interpalestinienne en sort renforcée, et l’on constate une reprise des relations entre Fatah et Hamas. »
Mais pour Ofer Bronchtein, cofondateur israélien du Forum international pour la paix, c’est avant tout le triomphe de la violence : « Gagnants, les extrémistes du Hamas et du Likoud, le camp de la force ; perdants, les peuples israélien et palestinien, le camp de la paix. » Dans cette affaire, la droite israélienne s’est montrée plus décomplexée que jamais. Le vice-Premier ministre a parlé de « renvoyer Gaza au Moyen Âge » ; le fils de l’ancien Premier ministre Ariel Sharon a décrété qu’il fallait carrément la « raser », tandis que, pour Yisrael Katz, le ministre des Transports, « une seule larme d’un enfant juif suffirait à justifier la déportation de toute la population de Gaza ». « Ces déclarations haineuses confirment hélas que la violence s’impose », résume Bronchtein.
Volée de roquettes
Du côté palestinien, le fait qu’Israël reconnaisse désormais le Hamas comme interlocuteur décrédibilise la voie de la négociation et de la non-violence, adoptée par le Fatah en Cisjordanie sans autre résultat que la poursuite inexorable de la colonisation des territoires occupés. Cela fait passer au second plan la démarche de Mahmoud Abbas qui comptait demander, le 29 novembre, le statut de membre observateur à l’Assemblée générale des Nations unies.
Processus de paix oublié, échanges réduits à des salves de missiles contre des volées de roquettes : le dialogue israélo-palestinien est au point mort. La situation, qui semble éternellement figée dans un dangereux statu quo, ne profite qu’aux extrémistes des deux camps. Et l’on ne se pose plus qu’une seule question : à quand le prochain round ? « Comme disait Gandhi, oeil pour oeil, et le monde entier sera aveugle », rappelle Bronchtein, qui se désole de voir « la peur l’emporter sur l’espoir ».
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