« Mon Général », Je t’aime, moi non plus
Le Camerounais Marcel Zang évoque les sentiments ambivalents que des immigrés peuvent ressentir envers la France.
Marcel Zang est soulagé. Sa pièce Mon général va être « enfin » jouée. Il l’a écrite il y a pourtant à peine un an mais, explique-t-il impatient, « un texte dramatique qui n’est pas mis en scène est comme un archet sans violon. Terriblement frustrant ». Du 22 novembre au 21 décembre, l’Iranien Kazem Shahryari comblera le dramaturge camerounais en présentant cette tragicomédie. Dans une écriture incisive, Marcel Zang retrace le destin douloureux de travailleurs immigrés en France pris entre leur interprétation de l’Histoire, leurs conditions de vie et leurs sentiments ambivalents pour leur terre d’accueil.
L’action se situe en 1970, à la mort du général de Gaulle. Augustin, le personnage principal, voue un culte indéfectible à ce dernier. Une admiration excessive qu’il a héritée de son père, un ancien caporal camerounais ayant combattu au sein de l’armée française pendant les deux guerres mondiales. Mais, prévient Saïd, « de Gaulle c’est comme les femmes blanches, tout craché pareil. Tout ce qu’il veut c’est ton corps et rien donner ». L’Algérien est venu quant à lui trouver un meilleur salaire afin de subvenir aux besoins de sa famille : « Je ne suis pas en France, je suis chez mon patron ; c’est lui qui me paie, ce n’est pas de Gaulle », déclare-t-il.
Écorché vif
Tous deux doivent faire face à une nation à la fois accueillante et inhospitalière. Et tandis que Saïd applaudit la déroute de la France en Algérie, Augustin chavire d’émotions à l’écoute du discours du général de Gaulle et de La Marseillaise dans sa chambre de bonne. Rien ne viendra détourner le Camerounais de cet amour, pas même ce que lui raconte son compatriote Menguelé, médaillé de guerre rentré au pays, qui se défoule à coups de pied et d’insultes sur son chien, baptisé De Gaulle. Le lauréat 2005 et 2010 du prestigieux prix français de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) évoque ici avec force et drôlerie (l’humour n’est jamais loin) les affres du déracinement et de l’exil.
Une situation que le dramaturge a connue en partie. Né en 1954 au Cameroun, il débarque un soir d’automne à l’aéroport du Bourget, à l’âge 9 ans, accompagné de ses parents. Il neige, il fait froid et il est simplement vêtu d’un short et d’une chemisette kaki. Le jeune Marcel découvre aussi la France de ses lectures, celle du Grand Meaulnes d’Alain-Fournier et celle des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas. Marcel est confié à des amis de ses parents installés en région parisienne avant que ces derniers ne rejoignent leur pays. Puis viendront les années d’internat en Normandie, à Rouen, où il apprendra le suicide de son père l’année de son bac. « La bulle avait éclaté. Je me suis alors retrouvé face au vide, face à l’inconnu. Une situation idéale pour l’écriture et le jeu », dit-il.
La quarantaine approchant, Marcel Zang décide enfin de renouer avec ses racines et se rend au Cameroun pour la première fois depuis son enfance. « Cet éloignement a fini par me rendre extrêmement sensible aux sujets liés à l’Afrique et à la problématique de l’identité », confie l’écrivain, son éternel chapeau noir vissé sur la tête et une mitaine à la main gauche. Une source d’inspiration pour cet écorché vif qui aborde cette question dans une pièce antérieure, L’Exilé.
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