Mara Kanté : vingt-neuf mois de prison pour rien

Il rêvait de devenir footballeur professionnel. Pris dans les émeutes de Villiers-le-Bel, en 2007, il est arrêté et condamné par erreur. Mara Kanté raconte aujourd’hui dans un livre sa terrible histoire. Rencontre.

Devant son ancien collège, à Villiers-le-bel, le 6 novembre. © Vincent Fournier pour J.A.

Devant son ancien collège, à Villiers-le-bel, le 6 novembre. © Vincent Fournier pour J.A.

Alexis Billebault

Publié le 26 novembre 2012 Lecture : 3 minutes.

Le 25 novembre 2007, à Villiers-le-Bel, dans la banlieue nord de Paris, un accident entre une voiture de police et une moto provoque la mort de deux adolescents. Des échauffourées éclatent entre la police et les jeunes du quartier. Elles tournent bientôt à l’émeute et gagnent les communes environnantes. Cent cinquante policiers sont blessés, certains par balle.

Né en France d’un père malien et d’une mère sénégalaise, le jeune Mara Kanté, 20 ans à l’époque, rêve de devenir footballeur professionnel. Pris dans la tourmente, il est arrêté par la police. De février 2008 à juillet 2010, il va faire vingt-neuf mois de détention (dont onze en préventive), à Fresnes, avant d’être acquitté en appel, en octobre 2011. Il demande aujourd’hui à être indemnisé et vient de publier avec la journaliste Aurélie Foulon un livre dans lequel il raconte sa terrible aventure.

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Jeune Afrique : Quel a été votre rôle dans les émeutes de Villiers-le-Bel ?

Mara kanté : Je sortais de la mosquée, l’accident venait d’avoir lieu. Il y avait du monde, des gens criaient, couraient partout. Aux jets de pierres, les flics ont répliqué par des tirs de gaz lacrymogène. Alors oui, j’étais énervé… Mais jamais je n’ai tiré sur les forces de l’ordre ! On m’en a accusé, mais c’était faux. Les faits ont ensuite été requalifiés, et j’ai été accusé de possession d’arme illicite. Là encore, c’était faux. J’ai fait vingt-neuf mois de prison pour rien.

Pourquoi avoir choisi de raconter votre histoire ?

Pendant ma détention, j’écrivais le plus souvent possible. C’était presque une thérapie, car la prison, c’est dur, on y est confronté à l’ennui. Alors, écrire et publier ce livre, c’était une façon d’extérioriser ce que j’avais été contraint d’intérioriser entre quatre murs. Aurélie Foulon, qui est journaliste au Parisien, avait suivi mon affaire. On a décidé de faire ce livre à quatre mains.

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Parvenez-vous à vous reconstruire ?

C’est difficile, on ne se remet jamais complètement d’une histoire comme ça. La prison, c’est l’enfer, c’est l’école du crime. Si je n’avais pas tenu bon, avec l’aide de mes proches, j’en serais sorti en étant un autre mec. Car j’avais la haine ! J’étais innocent et je côtoyais des gens qui étaient là pour des trafics, des braquages… Eux l’acceptaient, car ils connaissaient les règles du jeu. Si j’avais voulu, j’aurais pu entrer dans leur business.

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Rêvez-vous encore de devenir footballeur professionnel ?

J’ai joué dans des clubs d’Île-de-France. Avant mon incarcération, j’ai même fait des essais dans des clubs italiens, Cesena et l’Udinese, je devais en faire aussi en Angleterre… Quand je suis sorti, on m’a proposé un essai à Louhans-Cuiseaux, alors en CFA [4e division, NDLR]. Physiquement, je n’étais pas au top, mais j’y suis allé. Cela s’est bien passé, on m’a même proposé 1 500 euros par mois. Sauf que le club a connu de grosses difficultés financières et que je n’ai jamais touché cette somme. Je vivais grâce à la solidarité de mes proches. Le club nous logeait et nous nourrissait.

Et depuis ?

J’ai fait un essai sans suite à Beauvais [National, 3e division], l’année dernière. J’ai aussi eu des contacts avec des clubs de CFA et de CFA 2 (5e division), mais on ne me proposait rien financièrement. J’ai parfois eu l’impression que mon statut d’ex-taulard jouait contre moi. J’ai aujourd’hui 25 ans. Je crois bien que le foot professionnel c’est terminé pour moi.

Quels sont vos projets ?

Pour l’instant, je vis chez mes parents et je touche le RSA. Je veux trouver un métier, me marier, fonder une famille. J’ai envoyé des CV, mais je n’ai pas eu de réponses. Je vais passer mes diplômes d’éducateur. J’aimerais aussi aller dans les collèges, les lycées et les prisons pour raconter ce qui m’est arrivé. 

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Propos recueillis par Alexis Billebault

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