Burkina Faso : derniers scrutins avant la présidentielle

Pour l’opposition, les élections législatives et municipales du 2 décembre constituent un grand test avant 2015. Mais si ses chefs de file rassemblent leurs forces, ils ne s’unissent pas encore.

Figures de l’opposition : A. Ouédraogo, H. A. Diallo, Z. Diabré et B. Sankara (de g. à dr.). © Hippolyte Sama pour J.A.

Figures de l’opposition : A. Ouédraogo, H. A. Diallo, Z. Diabré et B. Sankara (de g. à dr.). © Hippolyte Sama pour J.A.

Publié le 30 novembre 2012 Lecture : 4 minutes.

Cette fois encore, elle y croit. Ou plutôt ils y croient, tant la logique individuelle prévaut chez les chefs de parti d’une opposition plurielle et désunie. Ils ont de nouveau décidé de mener leurs formations politiques en ordre dispersé aux élections couplées (législatives et municipales) qui doivent se tenir le 2 décembre prochain au Burkina Faso. Les résultats mettront en évidence leurs représentativités respectives et permettront peut-être des rapprochements ultérieurs.

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Eux, ce sont des visages bien connus du paysage politique burkinabè, à classer dans deux catégories. D’un côté, des opposants confirmés comme Hama Arba Diallo, président du Parti pour la démocratie et le socialisme, parti des bâtisseurs (PDS/Metba), et Bénéwendé Stanislas Sankara, le dirigeant de l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (Unir/PS). Députés de la dernière législature, ils ont tous deux fait des scores honorables (respectivement 8,18 % et 6,34 %) à la présidentielle de 2010.

De l’autre côté, Zéphirin Diabré, fondateur de l’Union pour le progrès et le changement (UPC), et Ablassé Ouédraogo, président du parti Le Faso Autrement. Au cours de leur carrière, ils ont été collaborateurs du régime avant de s’en émanciper ou d’en être écartés. Passés par le gouvernement dans les années 1990, ils ont chacun codirigé des institutions des Nations unies (Programme des Nations unies pour le développement, Pnud, et Organisation mondiale du commerce, OMC) avant de rentrer au pays. On les considère parfois comme des technocrates, et leur entrée en politique est assez récente.

Optimiste

Capitale à bien des égards, l’échéance du 2 décembre alimente tous les espoirs dans les rangs de l’opposition, car elle déterminera si l’alternance est envisageable en 2015. Avec cinq députés sur les 111 siégeant à l’Assemblée nationale, Bénéwendé Sankara affiche une ambition simple : conserver ou dépasser le nombre actuel d’élus de l’Unir/PS. « Nous sommes le premier parti d’opposition à ce jour et nous voulons aller au-delà de ce que nous avons déjà fait. »

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Dans l’idéal, l’avocat souhaiterait que sa mouvance puisse former un groupe parlementaire homogène, composé exclusivement de ses députés et qui ne soit pas contraint de s’allier à d’autres formations pour peser sur la scène politique. Sur le modèle du parti au pouvoir, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, 73 députés), ou de l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA) de Gilbert Noël Ouédraogo, qui compte 14 députés solidaires de la majorité présidentielle. Ce serait une manière d’en finir avec les querelles qui, au sein du groupe parlementaire de l’Alliance pour la démocratie et la justice (ADJ), opposent l’Unir/PS et le PDS/Metba. Pour que l’ensemble fonctionne, ils ont élaboré des règles de consensus, mais dès que des divergences apparaissent, chacun reprend sa liberté.

« Nous avons des candidats dans 40 des 45 provinces que compte le pays et dans chacune des communes urbaines et rurales. En observant l’électorat dont nous avons déjà bénéficié, nous pensons pouvoir envisager une vingtaine de députés », assure, optimiste, Arba Diallo, qui ne dispose pour l’instant que de 3 élus à l’Assemblée nationale. Et si l’UPC de Zéphirin Diabré (présent dans 41 provinces) parvenait également à faire élire certains de ses candidats, des alliances ne seraient pas à exclure au sein de la prochaine législature.

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Un adversaire commun

« Nous partons de zéro car nous n’avons ni maires ni députés, concède le président de l’UPC. Dans les provinces où nous ne présentons pas de candidat, nous ne dirons pas aux populations de voter pour le parti au pouvoir. Nous demanderons à nos sympathisants de voter pour les autres forces de l’opposition. » Dans la circonscription nordiste du Séno, où se présente le député et maire Arba Diallo, Zéphirin Diabré avait déjà publiquement évoqué la possibilité de soutenir le candidat du PDS/Metba.

Le parti au pouvoir est sorti meurtri du processus de désignation des candidats

La présence d’un adversaire commun est fédératrice. Les « crises » qu’il traverse également. Pour le plus grand plaisir de l’opposition, le parti au pouvoir est sorti un peu meurtri d’un processus douloureux de désignation de ses candidats. Processus dont le but était de renouveler la majorité des cadres, donc d’écarter les anciens. Ce qui ne s’est évidemment pas fait sans mécontents ni exclus, sans affrontements ni contentieux internes.

C’est sur ces faiblesses supposées que tous comptent prospérer, avant de tenter de transformer l’essai au prochain suffrage. Car le scrutin du 2 décembre est considéré comme une répétition générale de la présidentielle de 2015. « Pour nous, c’est l’enjeu fondamental, et cela se prépare maintenant », avertit Bénéwendé Sankara. Sentiment partagé chez l’ancien patron Afrique et Moyen-Orient d’Areva, qui aborde « ces élections en ayant à l’esprit que c’est une échéance capitale, la dernière avant 2015 ».

« Décembre 2012 sonne le top départ pour le changement dans notre pays », claironne Ablassé Ouédraogo, qui a d’ores et déjà fait de la thématique son slogan. La présence de sa formation politique aux élections couplées, après seulement quatorze mois d’existence, lui semble déjà être une victoire en soi. Implanté dans les deux tiers du pays, Le Faso Autrement ne parvient pourtant pas à mobiliser autant que ses trois grands concurrents et partenaires dans l’adversité face au CDP.

L’union sacrée ? Tous sont d’accord pour dire qu’elle pourrait se faire – sous une forme qui reste à déterminer – mais, pour l’heure, personne ne semble vraiment prêt à s’en donner les moyens, c’est-à-dire à faire des concessions. Il faudra pourtant bien y venir, reconnaît Ablassé Ouédraogo, qui conclut par ce dicton mossi : « On ne ramasse pas la farine avec une seule main. »

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