Éloge du Grand Nord
Alain Mabanckou est un écrivain franco-congolais.
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Alain Mabanckou
Alain Mabanckou est écrivain et professeur de littérature francophone à UCLA (États-Unis). Depuis 2016, il occupe la chaire de création artistique au Collège de France.
Publié le 23 novembre 2012 Lecture : 2 minutes.
Jean Désy, écrivain canadien, est sans doute un des derniers poètes à « conquérir » les espaces froids. Certes, il connaît bien le Grand Nord québécois, où il pratique la médecine depuis des années. En 1990, il s’est retrouvé à Puvirnituq, village situé dans le nord du Québec, où il a constaté que le corps et l’esprit pouvaient « être en harmonie ». Mais c’est surtout chez les Inuits que son écriture a été bouleversée. Dans une atmosphère glaciale, la poésie apparaît sous son visage primordial. Jean Désy le souligne dans son prologue :
« C’est grâce à la norditude que je parvins à trouver l’expression de l’amalgame ressenti si intensément entre mon âme et l’Âme du monde. »
Cette fascination crée un pacte que l’auteur exprime en ces termes :
« Je resterai toute ma vie un amoureux du Nord, fou de ces lieux où les froids sont tragiques et les cieux gigantesques. »
Entre quêtes, invocations et errances dans les bois, c’est non seulement le chemin du retour aux sources que l’auteur recherche, mais surtout le lieu exact où naît la vie, ce lieu qu’on oppose souvent au Sud :
« Me voici / voyageur obstiné / ne trouvant le repos qu’en présence du péril / disposé entre les pierres chutées par milliards / dans la toundra. »
Dans ces invocations, le poète nous rappelle que marcher dans l’hiver, c’est aller à la rencontre de la liberté, et chaque truite pêchée dans la glace est le gage de notre indépendance. C’est aussi un recueil qui est porté par une langue singulière, aussi tranchante que cette glace que le poète loue de poème en poème :
« Sois morceau de glaciel brin de neige et bouscueil / chaque fois que l’hivernie te gagne. »
Dans un paysage aussi rude et immaculé, la grande crainte de l’errant est la solitude. Cela n’effraie pas pour autant le poète, qui prend pour bouclier l’amour :
« Si la solitude s’approche trop près de ta poitrine / ne lui tords pas le cou / serre-la plutôt contre toi comme si tu l’aimais. »
C’est aussi l’occasion de faire l’inventaire de la flore et de la faune. Jean Désy ne s’en prive pas, désignant chaque essence avec une précision de botaniste. On rencontre ainsi des sapins du Nord, des mélèzes, des épinettes blanches ayant traversé des siècles, des perdrix roucoulantes, des bouleaux blancs, des pins gris tordus ou encore les thuyas sacrés des îles secrètes d’Abitibi, territoire « aux cent mille lacs ».
Chez les ours est accompagné de photographies de la Québécoise Isabelle Duval, ce qui renforce encore plus cette proximité que ressent le lecteur en entrant dans l’univers de Jean Désy.
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