Grandes et petites manoeuvres des partis politiques algériens
Nouvelle Constitution, présidentielle et crise malienne. Trois dossiers qui agitent les états-majors des partis en Algérie.
Plus de quarante nouveaux partis ont obtenu leur agrément depuis le 1er janvier 2012 en Algérie, à la faveur des réformes initiées par Abdelaziz Bouteflika. Ils viennent grossir une classe politique déjà forte d’une cinquantaine de partis, dont une dizaine peut décemment revendiquer une implantation nationale, voire une notoriété régionale. C’est dire si l’échiquier est loin d’être bouleversé par les nouveaux arrivants.
Prévues le 29 novembre, les élections locales (lire article p. 86) constituent certes la préoccupation du moment des états-majors politiques, mais leur obsession est ailleurs : la présidentielle de 2014, un grand rendez-vous électoral qui équivaut à un passage de témoin entre la génération de la guerre de libération, restée plus d’un demi-siècle au pouvoir, et la génération postindépendance, qui trépigne d’impatience. C’est du moins ce qu’a laissé entendre le président Abdelaziz Bouteflika à Sétif, le 8 mai 2012, quand il a déclaré devant un auditoire ébahi : « Notre génération a fait son temps. »
Parce qu’il veut briguer l’investitutre du FNL, Belkhadem s’attire les foudres de son parti.
Cependant, avant que les partis ne se consacrent exclusivement à trouver leur « candidat naturel », ils savent qu’une étape déterminante reste à venir. De toutes les réformes politiques promises par Abdelaziz Bouteflika, une seule n’a pas encore été menée : l’adoption d’une nouvelle Constitution, qui devra définir le projet de société et l’édifice institutionnel de l’Algérie de demain. « Le processus suit son cours », assure-t-on au palais d’El-Mouradia, siège de la présidence de la République. Mais le processus en question semble connaître quelques difficultés.
Annoncée pour la fin de l’année en cours, la mouture que doit présenter Abdelaziz Bouteflika aux deux chambres du Parlement (avant de la soumettre au suffrage universel par le biais d’un référendum populaire) est toujours dans les limbes. Pis, la commission de juristes chargée de la rédiger n’a même pas été nommée. Après avoir piloté une large concertation avec les partis politiques et les personnalités nationales, la commission Bensalah – du nom du président du Conseil de la nation (Sénat) qui la dirigeait – a présenté, en juin 2012, un volumineux rapport contenant l’ensemble des propositions recueillies. Depuis, silence radio à El-Mouradia sur la question de la Constitution.
« Rien de sérieux ne pourra être envisagé avant que l’on sache de quoi sera fait le texte fondamental, confie un membre du bureau politique du Front de libération nationale (FLN). Si l’on est persuadé que l’option du régime parlementaire prônée par l’opposition ne sera certainement pas retenue, des détails concernant l’édifice institutionnel, tels que la création ou non du poste de vice-président et la répartition des prérogatives au sein de l’exécutif entre le président et son Premier ministre, conditionnent le choix de notre stratégie. »
Les deux ex
Portée par les islamistes et les trotskistes du Parti des travailleurs (PT, de Louisa Hanoune), la revendication d’un régime parlementaire a souffert du résultat des législatives de mai, à savoir l’émiettement de la représentation nationale. La nouvelle législature enregistre la présence de députés issus de 27 partis différents. Cette situation ruine les arguments des partisans du régime parlementaire. « Ce serait la promesse d’une instabilité politique chronique et d’un pays ingouvernable », conclut notre baron du FLN.
Bien que victorieux à l’issue des législatives, l’ancien parti unique traverse une zone de fortes turbulences. Et c’est encore la présidentielle à venir qui est en cause. Pour avoir affiché son ambition de briguer l’investiture du parti en 2014, le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, s’est attiré les foudres de son comité central, qui veut le destituer.
Autre partant possible pour la compétition de 2014, Ahmed Ouyahia, dirigeant du frère jumeau du FLN, le Rassemblement national démocratique (RND), est lui aussi soumis à un vent de fronde. Les deux ex-Premiers ministres sont les grands perdants du remaniement : Ouyahia a perdu son poste de chef du gouvernement, et Belkhadem son maroquin de représentant personnel du président de la République. Toutefois, contrairement à son rival du FLN, le patron du RND a maintenant le temps de sillonner le pays à la rencontre des personnalités locales. Bref, il fait le meilleur travail de proximité possible pour rattraper quelque peu son déficit de popularité.
Activisme
En dehors de la majorité, la situation n’est pas plus calme. Doyen des partis d’opposition, le Front des forces socialistes (FFS) vit une étape délicate. Avec le départ annoncé de son vieux leader, Hocine Aït Ahmed, 86 ans, la bataille de la succession fait rage et semble mener le FFS vers l’implosion. Les islamistes de l’Alliance de l’Algérie verte (AAV) ne semblent pas avoir digéré leur déroute lors du scrutin législatif, un échec cuisant comparé aux succès de leurs homologues tunisiens, libyens, marocains et égyptiens.
Les trotskistes du PT sont la seule force politique officiellement opposée à une intervention militaire algérienne dans le Nord-Mali.
Les trotskistes du PT sont la seule force politique officiellement opposée à une intervention militaire algérienne dans le Nord-Mali. « Nous refusons d’être dupes, répète Louisa Hanoune, secrétaire générale du PT. Pas question de céder aux appels des sirènes et autres compliments que nous adressent les pays occidentaux en nous déclarant incontournables dans la région pour que notre armée s’engage dans le bourbier malien. » Quant aux laïcs du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), après avoir boycotté les législatives, ils ont décidé de participer aux élections locales du 29 novembre, mais ils resteront à l’écart des studios de la télévision publique pendant la campagne. Entre Constitution et présidentielle à venir, bruits de bottes aux frontières et boycotts en tous genres, la classe politique fait plus de l’activisme que de l’activité partisane.
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