Mali : un pas vers la réhabilitation de l’ancien juge islamique de Tombouctou
Le gouverneur de Tombouctou vient d’exprimer la « reconnaissance » des autorités à un juge islamiste pourtant incarcéré il y a quelques années.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 15 novembre 2022 Lecture : 2 minutes.
« Si tu n’as pas la force de ton voleur, il faut l’aider à porter son butin », enseigne la pensée sahélienne. Est-ce cet impératif de realpolitik ou une volonté de très large réconciliation qui a permis une étrange cérémonie malienne aux relents de réhabilitation ?… Houka Houka Ag Alhousseini est un ancien juge islamique qui prononça des sentences implacables, il y a quelques années, dans la ville des 333 Saints, précisément à l’hôtel Bouctou converti en tribunal islamique : lapidations publiques pour relations intimes hors mariage, consommation de cigarettes ou de musique, entorses au code de la route, prison ferme pour port « imparfait » du voile ou encore raccourcissement des pantalons jusqu’au niveau des genoux. Avant son arrestation par l’armée malienne près de Goundam en janvier 2014, le proche des jihadistes avait ordonné l’amputation de la main de Mahamane Dédéou, alors âgé de 22 ans, pour vol présumé de matelas.
Sous sanction de l’ONU
Libéré dans des conditions mystérieuses en août 2014, l’ancien sympathisant du groupe Ansar Dine est toujours sous le coup de sanctions des Nations unies. Fin octobre dernier, l’ex-chef du tribunal islamique de Toumbouctou adressait une lettre au gouverneur de la région. Au représentant d’un État pourtant laïc, Houka Houka Ag Alhousseini posait des conditions à la réouverture d’écoles fermées pour raison d’insécurité : enseignement obligatoire de la loi islamique et du Coran, introduction de l’arabe au programme, instauration d’un dress-code islamo-compatible pour les élèves, séparation des garçons et des filles dans les salles de classe, et affectation d’enseignants du même sexe que les enseignés.
Hasard du calendrier ? C’est quelques jours plus tard que le gouverneur de Tombouctou remettait au précepteur religieux, parmi d’autres, une « attestation de reconnaissance » sur laquelle était inscrit : « À monsieur Houka Houka Ag Alhousseini, pour son service et son dévouement continu au vivre ensemble dans la région de Tombouctou ».
Réhabilitation ?
Si l’hommage a tout l’air d’une réhabilitation, les semaines qui viennent renseigneront sur les questions qui se posent : les honneurs traduisent-ils une improvisation locale ou une volonté nationale ? L’attestation remise à Ag Alhousseini signifie-t-elle écoute bienveillante de ses exigences, notamment en matière d’éducation ? D’autres cérémonies récompenseront-elles des personnalités du même acabit, ou le rapprochement avec l’ancien juge islamique ne sert-il qu’à diviser pour mieux régner ?
Comme pour démontrer que la participation à cette cérémonie d’État ne valait pas renoncement à ses exigences spirituelles, l’honoré a vanté un « engagement patriotique » qui se veut « précepte religieux tant qu’il ne dévie pas des chemins tracés par le Coran et les traditions islamiques ». Dont acte.
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