Sénégal : Abdou Latif Coulibaly, le journaliste anti-corruption devenu ministre

Ancien journaliste de renom, pourfendeur des années Wade, Abdou Latif Coulibaly a fait son entrée au gouvernement sénégalais. Le voici désormais ministre de la Bonne Gouvernance.

Abdou Latif Coulibaly en 2010. © AFP

Abdou Latif Coulibaly en 2010. © AFP

Publié le 21 novembre 2012 Lecture : 3 minutes.

Dans le pavillon de banlieue parisienne qui lui sert de retraite, l’ex-président du Sénégal, Abdoulaye Wade, a dû laisser échapper un soupir de dépit. Peut-être même a-t-il juré, fin octobre, lorsqu’il a appris l’entrée d’Abdou Latif Coulibaly au gouvernement. Son pourfendeur le plus virulent. Un empêcheur de tourner en rond qui a fini par prendre les traits d’un don Quichotte de la bonne gouvernance tant il s’est échiné, parfois avec un acharnement débordant, à dénoncer la corruption de l’entourage présidentiel.

Coup de com’

la suite après cette publicité

La lecture des titres des nombreux essais que le journaliste a publiés ces dix dernières années s’apparente à un réquisitoire. Il y est question d’« alternance piégée », de « pillage organisé », de « démocratie prise en otage », de « contes » et de « mécomptes »… Dans sa dernière enquête publiée en 2011, Coulibaly, un quinquagénaire affable et passionné dont le visage, tout en rondeurs, tranche avec le ton inquisiteur de ses prises de position, dressait le portrait d’une « République abîmée ». Charge lui est donnée, désormais, de veiller à son rétablissement. Depuis le 29 octobre, il est à la tête d’un ministère inédit et pour le moins curieux : celui de la Bonne Gouvernance, qui, une semaine après sa naissance, n’avait ni cabinet ni adresse. Coulibaly est aussi le nouveau porte-parole du gouvernement. Si Macky Sall voulait marquer une rupture avec son prédécesseur, il n’aurait pas pu trouver meilleur symbole.

Ses essais sont autant de réquisitoires… L’homme a toujours aimé chercher la petite bête.

Simple coup de com’ ? Il y a un peu de cela. Un conseiller du président en convient : « Il est plus facile de mettre en place une gouvernance efficace et rationnelle que de créer des emplois et de baisser le coût de la vie. La nomination de Coulibaly est une réponse aux Sénégalais qui ont besoin de voir les choses évoluer. » À dire vrai, Coulibaly s’occupait déjà des questions de bonne gouvernance depuis six mois, mais c’était à la présidence, en tant que conseiller de Sall. Son entrée au gouvernement marque, selon le nouveau ministre, « la volonté du président de traduire en une réalité institutionnelle ce qui n’était encore qu’un concept ». Bref, de passer de la parole (la bonne gouvernance fut un des refrains de sa campagne) aux actes. La mission de Coulibaly, outre dompter l’impatience des Sénégalais, sera de « recenser les bonnes pratiques et les diffuser au sein du gouvernement et de l’administration ». En aucun cas il ne sera un gendarme, dit-il. Lui préfère le terme de « vigie ».

Ephémère candidat

Après tout, c’est ce qu’il était quand il maniait la plume. Journaliste de renom jusqu’à ce qu’il se lance en politique, en 2011, à l’approche de l’élection présidentielle (éphémère candidat, il a finalement soutenu Moustapha Niasse), fondateur (avec d’autres) du premier groupe de presse privé (Sud Communication) puis d’un hebdomadaire poil à gratter (La Gazette), directeur pendant des années d’un des principaux instituts de formation de journalistes (l’Institut supérieur des sciences de l’information et de la communication, ISSIC), Coulibaly a toujours cherché la petite bête. Des journalistes d’investigation, « on en a besoin sur cette terre d’Afrique, où nos dirigeants […] se comportent souvent avec le bien public comme de véritables brigands », écrivait-il dans un texte consacré à son confrère et ami burkinabè assassiné en 1998, Norbert Zongo. Le voilà désormais dans le camp d’en face.

la suite après cette publicité

Sera-t-il capable de rester fidèle à ses principes ? Ses (rares) détracteurs, qui raillent son opportunisme, en doutent. Mais nombre de ses ex-confrères sont prêts à lui signer un chèque en blanc. « Tant qu’il ne trahit pas ses convictions, c’est une caution pour Macky. Et je ne crois pas qu’il trahira ses convictions », parie Fadel Barro. Le porte-parole du mouvement citoyen Y’en a marre, un « pur produit » de l’école Coulibaly, ne croit pas qu’un homme « qui a résisté aux tentatives de corruption de Wade » succombera aux délices du pouvoir.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

Sénégal : Abdou Latif Coulibaly, de l’autre côté du ring

Contenus partenaires