États-Unis : la seconde chance de Barack Obama
Réélu sans susciter la même ferveur qu’il y a quatre ans, Barack Obama entend profiter de cet ultime mandat pour reprendre l’initiative. Ses priorités : l’immigration, l’environnement… et la crise économique.
« Le rôle du président consiste à aider les Américains à se sentir confiants », avait déclaré Barack Obama dans un entretien au New York Times en février 2011. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’homme réélu le 6 novembre à la tête de la première puissance de la planète n’a pas réussi à transformer l’espoir suscité lors de sa première élection en un capital confiance à toute épreuve. Alors qu’ils avaient été plus de 240 000 à se presser pour venir écouter le discours du nouvel hôte de la Maison Blanche en 2008, ils n’étaient qu’une dizaine de milliers, quatre ans plus tard, pour célébrer la victoire de celui qui n’a pas réussi, pendant son premier mandat, à entretenir la flamme d’une Amérique naguère séduite par son charisme.
Pour de nombreux observateurs, la réélection de Barack Obama est d’abord l’échec de Mitt Romney. Ce dernier « n’a pas perdu parce qu’il n’était pas assez conservateur, résumait avec justesse le quotidien en ligne Politico au lendemain de l’élection. Il a échoué parce qu’il n’est pas parvenu à réunir assez de voix parmi les modérés, les indépendants, les femmes et les Hispaniques dans les États clés comme l’Ohio, le Nevada, la Virginie et le New Hampshire. Il était pourtant le candidat naturel de la plupart de ces électeurs, compte tenu de son passé de brillant businessman ».
Bout du nez
Dans ces conditions, on comprend pourquoi Obama s’est empressé de remettre « l’espoir » au coeur du discours prononcé après l’annonce de sa victoire. « Nous pouvons respecter la promesse des pères fondateurs de notre pays qui veut que, si l’on travaille dur, peu importe d’où l’on vient, qui l’on aime, que l’on soit noir ou blanc, hispanique ou asiatique, riche ou pauvre, jeune ou vieux, homosexuel ou hétérosexuel. Ici, en Amérique, chacun de vous peut réussir », a-t-il lancé à la foule et aux téléspectateurs, curieux de savoir quelles seraient les grandes orientations de sa politique à venir et d’évaluer sa capacité à rassembler comme il l’avait fait il y a quatre ans.
Parmi les occasions manquées, une profonde refonte du système financier.
Trop sûr de lui après son succès de novembre 2008, le président n’a pas su, au cours de son premier mandat, utiliser à son profit l’énergie qu’il avait insufflée à son projet. Le général Obama a ainsi délaissé son armée pour mener une politique de compromis, alors même que les extrémistes républicains du Tea Party n’avaient pas encore pointé le bout de leur nez. Il a ainsi manqué l’occasion de réformer en profondeur le système financier alors que la crise des subprimes lui en donnait la possibilité, tout comme il n’a pas saisi pleinement sa chance d’imposer un bouleversement du système santé en s’appuyant sur un électorat plein d’enthousiasme à l’égard du premier président noir du pays.
Soirée électorale sur Times Square, à New-York. Howard Nizebeth, 48 ans, suit les résultats sur écran géant, le 6 novembre. © Sipa
Échaudés
Son second mandat en poche, Barack Obama se doit de reprendre l’initiative, d’autant qu’il bénéficie sinon d’un état de grâce, du moins d’une période de relative tranquillité face à une opposition qui digère une amère défaite. Il pourra d’ailleurs profiter de l’examen de conscience des républicains pour imposer ses vues sur certains dossiers. Celui de l’immigration sera probablement l’un des plus faciles à gérer, dans la mesure où le camp adverse a compris qu’il avait commis une erreur en adoptant des positions trop radicales. En 2008, Obama avait été élu en grande partie avec les voix de la communauté noire ; en 2012, ce sont les Hispaniques, échaudés par les menaces brandies par les conservateurs, qui lui ont permis de faire la différence. Dès lors, il a toutes les chances de faire passer son Dream Act, en vertu duquel les jeunes immigrés sans papiers se verront automatiquement régularisés s’ils sont admis dans un collège ou enrôlés dans l’armée.
En plein ouragan Sandy, le maire républicain de New-York s’est rallié au président.
L’autre priorité du président réélu sera sans conteste l’environnement. L’ouragan Sandy, que l’on a attribué au changement climatique, a lui aussi influencé le comportement de nombreux électeurs. Michael Bloomberg, le maire républicain de New York, ville sévèrement touchée par la tempête tropicale, s’est rallié à Obama dont il a apprécié le discours écologiste. L’opposition devrait donc se montrer plus conciliante lorsqu’il s’agira de voter une loi en faveur des énergies propres et de la réduction des gaz à effet de serre.
Mais c’est dans le domaine économique que le président est attendu au tournant. Même si, durant la campagne, le sauvetage du secteur automobile a été l’un de ses principaux arguments, la crise est loin d’être terminée. Le chômage n’est pas endigué, et la confiance des consommateurs n’est pas non plus au beau fixe. Inspiré par le New Deal de Franklin D. Roosevelt, Obama voudrait laisser son empreinte dans l’Histoire en lançant de grands travaux en faveur des infrastructures. « Comment peut-on rester assis à ne rien faire pendant que la Chine et l’Europe se dotent de ponts, de trains à grande vitesse et d’aéroports ? » avait-il lancé en novembre 2011, regrettant que le plan de relance de 2009 n’ait pas permis de mettre l’accent sur des projets plus ambitieux. Pour son second mandat, 150 milliards de dollars pourraient être débloqués en leur faveur, grâce notamment à une révision du mode de sélection des projets.
Les "Has been" républicains
De toute évidence, la défaite de Mitt Romney va amener le Parti républicain à quelques révisions déchirantes. On a beaucoup souligné les tergiversations et les changements de discours du candidat, obligé de faire le grand écart pour complaire à la frange la plus radicale de la droite. Or c’est justement ce radicalisme qui lui a coûté la victoire. Refusant de tenir compte des évolutions démographiques – l’électorat blanc ne représente plus que 72 % du corps électoral, et devrait être minoritaire à partir de 2050 -, le Parti républicain n’a pas su non plus saisir l’importance du vote féminin, qui rejette son discours antiavortement et moralisateur. Pour éviter une nouvelle déconvenue en 2016, ses membres ont tout intérêt à mettre de l’eau dans leur vin. Ils semblent disposés à le faire : l’un des leurs, John Boehner, le président de la Chambre des représentants, a indiqué le 8 novembre qu’il abandonnait tout effort pour abroger la réforme de l’assurance-santé de Barack Obama. Un premier pas en avant. C.L.
Remobiliser
Réélu pour un dernier mandat, le président n’a plus de pression électorale sur les épaules. Il devrait donc prendre davantage de risques, en particulier dans le domaine fiscal. Même si John Boehner, président (républicain) de la Chambre des représentants, a répété dès l’annonce des résultats qu’il continuerait à s’opposer fermement aux projets d’Obama visant à taxer davantage les riches, l’hôte de la Maison Blanche va chercher à convaincre les membres du Congrès qu’une politique fiscale revue et corrigée « ne relève pas seulement de la justice sociale, mais agit aussi sur la croissance et la capacité à pouvoir faire les investissements dont le pays a besoin ».
De la même manière, il faut s’attendre à un engagement plus fort du président dans la bataille pour la réduction des déficits publics. Là encore, il aura fort à faire avec les républicains. Ces derniers resteront sans doute intraitables sur la nécessité de réduire les dépenses fédérales, l’un des rares points sur lesquels Mitt Romney était parvenu à rassembler. Dans son discours prononcé à Chicago après la proclamation de sa victoire, Obama a clairement fait de la réduction des déficits et de la réforme fiscale ses priorités au même titre que l’immigration et la lutte contre le changement climatique. Cela permettra-t-il de redonner confiance aux Américains ? Ces derniers sont en tout cas prêts à entendre ses propositions. Comme le soulignait le New York Times au lendemain du scrutin, « la plupart de ceux qui n’ont pourtant pas voté en sa faveur ont expliqué aux sondeurs qu’ils partageaient ses vues sur la fiscalité, la santé et l’immigration ». Il ne lui reste qu’à remobiliser les troupes et s’appuyer pleinement sur elles pour remplir ses objectifs. Alors l’Amérique retrouvera le vrai Obama, celui qui l’avait fait rêver et espérer.
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