On a testé le restaurant célébré par Alain Mabanckou dans « Black Bazar »
Dans le centre de Paris, cet ancien bougnat proposant une cuisine afro-cubaine accueille des rencontres littéraires et publie même un magazine, le « Jip’s Bazar », parrainé par l’auteur congolais.
« Je vais régulièrement au Jip’s, le bar afro-cubain, près de la fontaine des Halles, dans le 1er arrondissement, je peux même dire que j’y vais maintenant plus que d’habitude. » Cette phrase est tirée de Black Bazar d’Alain Mabanckou. L’écrivain congolais a fait du Jip’s, situé au 41 rue Saint-Denis à Paris, le lieu phare de son roman publié en 2009. Jannot Bonini, patron italo-marocain du bar-restaurant, explique le lien entre l’auteur et son établissement : « Lorsqu’Alain était un jeune écrivain inconnu, il était un habitué du Jip’s. Il venait écrire ici. Il a rendu hommage à tous les gens qu’il y a connus. »
« Africa Unite » !
Ainsi, au Jip’s, il y a une clientèle d’habitués, des gens de passage, des habitants du quartier, des personnes qui viennent de l’autre bout de Paris et de l’Île-de-France pour goûter sa cuisine… La dominante est africaine, d’est en ouest, du nord au sud. « Africa unite », rêvait Bob Marley. Le Jip’s l’a fait. La diversité, on la retrouve dans les assiettes : le tilapia, poisson braisé accompagné de bananes plantain, célèbre l’Afrique ; la « roba vieja » (robe de vieille en espagnol) donne des couleurs cubaines à la carte et, parfois, un tajine s’invite pour faire honneur aux origines marocaines du propriétaire. On trouve aussi toutes sortes de poissons, des plats français et marocains revisités à la sauce Jip’s.
Chef cubain
Aux cuisines, Manuel Laura, chef cubain formé dans des restaurants français, est le grand artificier de cette explosion de saveurs. L’après-midi, entre les repas, il mitonne des tapas maison accompagnées des incontournables bananes plantain. Au Jip’s, on mange bien, mais on boit aussi : du bissap, du gingembre, des cocktails, alcoolisés ou non selon les goûts. « Le bar n’aurait de cubain que le nom s’il ne proposait pas un bon rhum », ajoute Manuel Laura.
Métamorphose d’un bougnat
Si Le Jip’s est une institution du quartier des Halles, c’est lié à sa cuisine, son ambiance, mais aussi à sa longévité. Pour Jannot Bonini, l’histoire commence en tant que simple client : « J’ai connu l’ancien propriétaire du Jip’s, Jean-Pierre Chanson, en fréquentant le bar. Nous avons sympathisé. À l’époque, c’était un bougnat (restaurant auvergnat) et, par amitié, je l’ai aidé à transformer le Jip’s en bar-restaurant afro-cubain. C’était en 1993. »
Jetez mon chapeau en l’air et il retombera dans les mains d’un écrivain
Puis un concours de circonstances fait rouler les dés du destin : « En 1997, Jean-Pierre Chanson part s’installer à Bali et me propose de reprendre le bar. Je travaillais chez Emap, un groupe de presse, je n’avais jamais œuvré dans la restauration. » Qu’à cela ne tienne, il accepte. Il nous avoue que la restauration n’était alors pas sa passion, puis il glisse avec un sourire qui souligne son propos : « Ça l’est devenu. »
Tropisme littéraire
L’autre passion de Jannot Bonini, c’est la littérature : « Je suis entré dans les livres par les écrivains. J’ai d’abord rencontré les personnes avant de découvrir leurs œuvres. » L’homme, reconnaissable à ses chapeaux, est amateur de bons mots.
Je veux offrir un espace d’expression à des écrivains ou à des artistes, un lieu d’échange et de partage
Il a une expression pour évoquer le tropisme littéraire de son bar-restaurant : « Jetez mon chapeau en l’air et il retombera dans les mains d’un écrivain. » En effet, outre Alain Mabanckou, d’autres auteurs, célèbres ou débutants, fréquentent assidûment le lieu : « La rive gauche a son Quartier latin, je souhaite que la rive droite ait son Quartier africain. »
Rencontres d’auteurs
Pour prolonger son amour des lettres, le propriétaire organise régulièrement des rencontres littéraires : « Je veux offrir un espace d’expression à des écrivains ou à des artistes qui sont souvent des clients du Jip’s. Je veux en faire, plus qu’un bar-restaurant, un lieu d’échange et de partage. » À l’affiche de ces rencontres, des auteurs déjà publiés, comme Touhfat Mouhtare, Elgas, Maïmouna Coulibaly ou Mohand Mounsi, et aussi de jeunes talents, comme par exemple les auteurs des éditions La Kainfristanaise.
De Black Bazar à Jip’s Bazar
Si les paroles s’envolent, les écrits restent, c’est pour cette raison que le magazine Jip’s Bazar est né : « Je voulais que la richesse des échanges informels se prolongent sur papier, en garder une trace, toujours sur le même principe de mêler les voix littéraires reconnues et celles qui vont le devenir. » Le parrain du magazine est Alain Mabanckou, le dernier invité en date des rencontres du Jip’s, où il a présenté le 20 novembre son dernier roman, Le Commerce des allongés. Présent depuis le début, il reste un fidèle et une figure incontournable. La boucle est bouclée.
Le Jip’s, 41 Rue Saint-Denis, 75001 Paris
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Culture
- Esclavage : en Guadeloupe, un nouveau souffle pour le Mémorial ACTe ?
- Fally Ipupa : « Dans l’est de la RDC, on peut parler de massacres, de génocide »
- RDC : Fally Ipupa ou Ferre Gola, qui est le vrai roi de la rumba ?
- Janis Otsiemi et la cour de « Sa Majesté Oligui Nguema »
- Francophonie : où parle-t-on le plus français en Afrique ?