Presse africaine : à poussée de croissance, intérêt croissant

Se résumant jusqu’alors à un très petit nombre de titres, la famille des journaux panafricains s’agrandit à vue d’oeil, version papier et version web. Dans les pas de l’aîné, « Jeune Afrique ».

Les nouveaux projets cherchent à se démarquer en périodicité, format, ligne éditoriale. © DOM

Les nouveaux projets cherchent à se démarquer en périodicité, format, ligne éditoriale. © DOM

Publié le 16 novembre 2012 Lecture : 4 minutes.

L’Afrique a plutôt bonne presse. Les médias internationaux semblent lui accorder plus d’attention. En France, où l’intérêt est pourtant bien moindre qu’auparavant, l’hebdomadaire Le Point l’a mise à la une de son édition du 9 août, titrée « L’Afrique n’est pas celle que vous croyez ». En septembre, le mensuel Géo lui emboîtait le pas avec un « Numéro spécial Afrique : le réveil d’un continent ». Si les rumeurs d’une édition Afrique du Point sont démenties par Mireille Duteil, rédactrice en chef adjointe du magazine (et ancienne de Jeune Afrique), le regain d’intérêt des médias étrangers pour un marché africain en plein développement est bien réel. Crise ou pas crise, sur la Toile comme en support imprimé, les initiatives se multiplient qui ciblent un continent dont le lectorat n’est pas épuisé et se renouvelle. Y compris via la diaspora et les décideurs économiques qui, depuis les quatre coins de la planète, se tournent vers l’Afrique et ses marchés.

 Et J.A. dans tout ça ?

Premier hebdomadaire panafricain depuis sa fondation, il y a tout juste 52 ans, Jeune Afrique reste le leader par sa diffusion – la seule à être certifiée par l’Office de justification de la diffusion (OJD) -, avec une moyenne de diffusion totale payée de plus de 65 000 exemplaires (en hausse de 8,2 %) et un tirage de 99 000 par numéro en 2011. Outre ses hors-séries (dont "L’état de l’Afrique", le "Spécial Finances" et "Les 500 Premières Entreprises africaines"), le groupe J.A. publie désormais un mensuel en anglais, The Africa Report, qui en juin dernier, pour la troisième fois depuis son lancement, en 2005, a obtenu le prix du média de l’année au Diageo Africa Business Reporting Awards. Le groupe a aussi considérablement fait évoluer son site, jeuneafrique.com (créé en 1997) et ses éditions numériques. J.A. est ainsi le premier journal en ligne panafricain, avec 2 millions de visiteurs uniques par mois, plus de 105 000 fans sur Facebook, 57 000 followers sur Twitter, 50 000 abonnés à sa newsletter et, depuis avril, un portail spécialisé, economie jeuneafrique.com. Sans oublier l’événementiel avec son Africa CEO Forum, organisé avec la BAD du 19 au 21 novembre à Genève (Suisse) et dédié aux principaux chefs d’entreprise du continent. En attendant de nouveaux (et nombreux) développements…

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C’est l’analyse qu’en a faite Jean-Marie Colombani en choisissant début 2011, deux ans après le lancement réussi de slate.fr, de décliner la franchise en une version africaine en s’inspirant du concept américain de daily magazine (« magazine quotidien »). « Nous avons conçu Slate Afrique sur l’idée qu’il y avait là des personnes avec de hauts niveaux d’éducation, de grands appétits d’analyse, de curiosité, et qu’il fallait aller à leur devant », confie le directeur de la publication du média en ligne. Selon lui, le site a enregistré entre 500 000 et 1 million de visiteurs uniques et entre 1,1 million et 1,9 million de pages vues par mois dès son démarrage.

Prospérité

Si le potentiel de développement devrait permettre une coexistence pacifique, les nouveaux projets cherchent à se démarquer en termes de périodicité, de format et de ligne éditoriale. « Notre ambition, c’est de montrer une autre vision de l’Afrique », explique, depuis Ouagadougou, Serge-Mathias Tomondji, directeur de la rédaction du mensuel Notre Afrik (lancé en juillet 2010), qui a dirigé le bimestriel burkinabè Fasozine pendant cinq ans. « Notre valeur ajoutée, c’est l’information le plus claire possible et vue par un prisme africain », enchaîne Priscilla Wolmer, directrice de publication du bimensuel Africa 54, récemment rebaptisé 54 États. L’idée de ce « magazine de l’Afrique et de ses institutions » est née en juin 2011 à Malabo, lors du sommet de l’Union africaine, et s’est concrétisée en janvier dernier.

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La presse spécialisée n’est pas en reste, avec la création du bimestriel Forbes Afrique, déclinaison africaine et francophone du Forbes américain lancée en grande pompe le 24 juillet à Brazzaville. Michel Lobé Ewané, rédacteur en chef délégué, basé à Douala, justifie l’initiative : « L’idée de lancer une édition africaine en anglais, puis en français, est venue du constat que les Africains figuraient de plus en plus dans les classements et que le continent est une zone de croissance et de prospérité. »

Surfant sur cette prospérité, le groupe IC Publications, basé à Londres, a lancé en 2007 des éditions bimestrielles francophones de ses mensuels New African et African Business. Sur le créneau de l’information économique, après la création mi-2007 de l’hebdomadaire Les Afriques, l’agence Ecofin, créée en décembre 2010 et basée à Genève, a lancé en juin 2011 une plateforme internet de lettres quotidiennes d’information financière et sectorielle. Un pari sur le présent et l’avenir de l’économie africaine.

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Presstalis, incontournable partenaire

Être distribuée sur le continent sans la société de messagerie, c’est, pour la presse française, mission impossible.

Distribuer un titre français sur l’Afrique n’est pas une sinécure. Identifier le bon relais localement, vérifier la qualité de la diffusion et, surtout, récupérer la recette, tout cela demande souvent beaucoup trop d’énergie au regard du nombre d’exemplaires vendus. C’est la raison pour laquelle la plupart des éditeurs hexagonaux confient leurs exportations vers le continent à Presstalis, société de messagerie codétenue par la presse magazine et les quotidiens français. Pour remplir sa mission, cette dernière s’appuie notamment sur ses filiales comme Sochepresse au Maroc, Sotupresse en Tunisie ou Édipresse en Côte d’Ivoire. Outre sa connaissance du terrain, elle offre l’immense avantage de garantir le paiement des numéros vendus. Même les Messageries lyonnaises de presse, son principal concurrent sur le marché français, lui sous-traitent cette mission.

Monopole

Si ce monopole n’est pas sans poser de problèmes, la disparition de Presstalis, dont les comptes sont dans le rouge, serait un coup dur pour de nombreux titres. Début octobre, un accord entre l’État, les éditeurs français et la société a été trouvé pour éviter son placement en redressement judiciaire. Mais Presstalis n’est pas encore tirée d’affaire. Son salut passe par la suppression de 1 250 emplois, soit la moitié de son effectif. Un plan de sortie crise qu’il faudra négocier avec le très puissant Syndicat du livre, hostile à des licenciements secs. Julien Clémençot

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