États-Unis : la black middle class a voté Obama envers et contre tout

Licenciements, expulsions, paupérisation… La classe moyenne noire est la première victime de la crise économique. Elle n’en a pas moins voté, comme l’ensemble de la communauté, pour le président sortant.

Barack Obama en famille le soir de son élection, le 6 novembre. © AFP

Barack Obama en famille le soir de son élection, le 6 novembre. © AFP

Publié le 13 novembre 2012 Lecture : 2 minutes.

La crise économique n’a pas épargné St. Albans. Ce coquet quartier aux confins du Queens, à New York, est le royaume des classes moyennes noires. Une fresque à l’entrée le rappelle : ici vécurent James Brown, Billie Holiday, W.E.B. Du Bois, John Coltrane, Ella Fitzgerald et bien d’autres artistes et intellectuels de première grandeur.

Ventes aux enchères de maisons particulières par des banques prêteuses (foreclosures), augmentation du nombre des familles faisant appel à l’aide sociale (food stamps), licenciements… « Les quatre dernières années ont été très mauvaises », explique avec résignation Nelson, qui, dans sa petite galerie d’art, vend des portraits de Malcolm X, de Michael Jordan ou de Jackie Robinson, premier Noir à avoir joué dans la principale ligue de base-ball. « En fait, ça fait huit ans que ça dure, même si les choses s’améliorent lentement. En tout cas, moi, je suis toujours là ! » Ici comme dans le reste du pays, les classes moyennes noires ont été les premières victimes de la crise.

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Chomâge

Au niveau national, le taux de chômage des Africains-Américains oscille depuis quatre ans entre 14 % et 16 %. C’est presque deux fois plus que celui des Blancs (environ 8 %). Au cours de l’été 2011, il a même culminé à 17 % – un record. Le déclin du secteur industriel, qui compte 20 % de salariés noirs, les a d’abord frappés de plein fouet. À Detroit, au plus fort de la crise des subprimes, en 2008, 20 000 employés noirs de l’automobile ont ainsi été licenciés. Dans le Michigan, le taux de chômage des Africains-Américains est aujourd’hui de 23 %. À St. Albans, ce sont les licenciements massifs dans le secteur public qui ont déstabilisé la black middle class. En 2010, au niveau national, 142 000 emplois ont été perdus dans le secteur public, quand le secteur privé en créait 1,6 million. Et comme les Noirs sont surreprésentés dans ce secteur avec 21 % des emplois… À Chicago, par exemple, sur les 200 agents publics licenciés en 2010, les deux tiers étaient des Africains-Américains.

La crise a aussi, depuis quelques années, une conséquence inattendue : elle incite nombre de familles noires à quitter le Nord industriel en plein déclin pour gagner les États du Sud, plus dynamiques économiquement. C’est un exode, une Grande Migration à l’envers. Entre 1910 et 1970, entre 6 et 7 millions de Noirs avaient choisi de fuir le Sud ségrégationniste… En 2009, 10 000 Africains-Américains ont ainsi quitté le Queens et St. Albans (45 000 dans l’ensemble de l’État de New York). La moitié a regagné le Sud. À cause de la crise, bien sûr, mais aussi de la détérioration des relations raciales. Principale accusée, la police new-yorkaise et sa très agressive technique de contrôle des jeunes Noirs – ce qu’on appelle ici le stop and frisk (« interpeller et fouiller »).

"Pourquoi changer de capitaine ?"

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Néanmoins, la communauté noire a voté comme un seul homme, ou presque, pour Barack Obama, le 6 novembre (93%). Quasiment la même proportion qu’il y a quatre ans (90 %). Nelson l’avait bien compris : « Avec Romney, ce serait pire. » Pour décrire la situation de l’économie américaine, il use d’une métaphore navale : « Le navire a mis du temps à faire demi-tour, dit-il, mais il est maintenant dans la bonne direction. Alors pourquoi changer de capitaine ? »

À St. Albans, tout le monde semble être de cet avis. Dans leur quasi-totalité, les devantures des échoppes de barbier, des supermarchés ou des librairies religieuses arboraient toutes fièrement une pancarte « Obama-Biden 2012 ». Comme aux plus belles heures de 2008. Crise ou pas crise.

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