Ibrahim Traoré : sobriété affichée et mythe en construction

Le président de la transition burkinabè a décidé de conserver son salaire de capitaine, en lieu et place de celui de chef d’État. Un signe de sobriété perçu comme sankariste…

© Damien Glez

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Publié le 18 novembre 2022 Lecture : 2 minutes.

Récipiendaire du « flambeau de la révolution », le 15 octobre dernier, au Mémorial Thomas Sankara, l’actuel homme fort du pays est volontiers dépeint comme une réincarnation de celui qui débaptisa la Haute-Volta. Au-delà des discours sankaristes – abusivement « samplés » par tant d’autres – , qu’ont en commun les deux présidents ? Putschiste comme le héros national, Ibrahim Traoré arbore le dernier grade militaire de Sankara, celui de capitaine. Le surnommé “IB” a 34 ans, l’âge que célébra “Thom Sank” l’année de sa prise de pouvoir. Une autre coïncidence de calendrier est encore plus troublante : né en 1988, Traoré est censément le fruit d’un processus peu ou prou débuté à la période de l’assassinat de Thomas Sankara, fin 1987…

À la chasse aux correspondances s’ajoute un choix de vocabulaire et une tendance à tancer les politiciens établis, directement ou par Premier ministre interposé. Au-delà de ces mots et de ce ton, les Burkinabè guettent désormais des actes jaugés à l’aune de l’idéal du Che panafricain des eighties. Et c’est dans un registre important que Traoré vient de cocher une nouvelle case sankariste : son train de vie présidentiel.

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Renault 5

Au conseil des ministres de ce 16 novembre, le meneur de la transition a décidé de se contenter de sa solde de militaire, pour « montrer cet esprit de sacrifice qui doit habiter chacun des Burkinabè dans la situation actuelle » du pays. Une manière, en ces temps d’insécurité, de ne pas quitter son treillis pour un costume et une cravate. Une façon de s’inscrire dans la sobriété prônée par Sankara. Dans les années 1980, le président du Conseil national de la Révolution (CNR) avait troqué les véhicules présidentiels rutilants pour une Renault 5…

L’esprit révolutionnaire étant affaire d’exemple et de volontarisme collectif, le nouveau décret portant rémunération des présidents d’institution et des membres de l’exécutif serre également la ceinture des ministres, abrogeant un décret pris, en avril dernier, par le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) toujours au pouvoir. Un décret qui instaurait des augmentations de salaires des ministres restées en travers de la gorge des observateurs…

Reversement de salaires

Pour enfoncer le clou de la sobriété et éloigner le spectre des contre-putschs, les nouveaux ministres ont également décidé de consacrer 50 % de leurs salaires du mois de novembre à la Caisse nationale de solidarité, notamment au profit des personnes déplacées internes…

Les aficionados d’IB jubilent. Les cyniques rappellent que Traoré avait dit ne pas être intéressé par le pouvoir, avant de verrouiller sa désignation par les récentes assises nationales. Les sceptiques savent que la valeur des villas cossues des dirigeants n’a jamais été couverte par les salaires officiels. Quant aux dépités du pouvoir et aux journalistes invités à « prendre position », ils se retiennent de tout procès d’intention de populisme, afin d’éviter qu’on ne « mange le piment dans leur bouche ». C’est que l’harmattan tourne vite au Faso…

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