Afrique : des états généraux pour réanimer la santé
Dysfonctionnements techniques, absence de management de qualité… Sur le continent, l’hôpital public souffre de tous les maux et doit être repensé.
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Jérôme Koumba
Directeur général du cabinet GES Environnement, expert environnement-santé & normes ISO, enseignant-chercheur à l’Université Paris-Diderot/Paris VII
Publié le 22 novembre 2022 Lecture : 3 minutes.
La santé en Afrique vit une période charnière de son histoire. L’essor des maladies chroniques, le vieillissement, la réduction de la durée moyenne des séjours à l’hôpital, la pauvreté – à cause de laquelle la plupart des usagers peinent à se prendre en charge –, les dysfonctionnements d’origine humaine, organisationnelle et/ou technique, l’absence de systèmes de management de la qualité, en sont l’illustration parfaite.
Face à ces faiblesses, auxquelles on pourrait ajouter l’absence d’éthique professionnelle et le peu d’implication de certains acteurs du secteur, il serait urgent d’ouvrir les états généraux de la santé en Afrique. Cela impliquerait, au préalable, la mise sur pied d’un comité consultatif interafricain de santé.
Des hôpitaux à visage humain
Une réflexion pourrait être menée sur la manière dont certaines organisations de la société civile peuvent interagir avec les acteurs de la santé. Ainsi, des ONG orientées santé pourraient être présentes dans les hôpitaux pour interagir auprès de personnes en situation de handicap et/ou à domicile. Cela suppose qu’il faudrait, dans les années à venir, trouver de nouvelles formes d’accompagnement à domicile, s’insérer dans des réseaux de soins territoriaux et associatifs.
L’Afrique a besoin d’hôpitaux à visage humain, en lien avec les réalités sociétales et en partenariat avec les acteurs civils. Nul ne peut rester en marge de ces réalités. Cela suppose également que les États et les gouvernements, au-delà de leur indispensable volonté politique, aient le courage d’impliquer des femmes et des hommes formés, capables d’accompagner ces personnes hospitalisées à domicile.
Désaveu public
Si les Africains aiment leurs hôpitaux, 62 % affirment avoir manqué de soins médicaux au cours de l’année passée, selon une enquête panafricaine réalisée dans 34 pays par le réseau de recherche Afrobarometer auprès de 48 000 personnes.
En vérité, l’hôpital montre de grands signes d’essoufflement et ne porte plus les marques d’excellence d’il y a quelques décennies. Avec leurs services techniques – pas toujours de pointe – et de recherche, les CHU ne contribuent plus, pour la plupart d’entre eux, au rayonnement de leur pays à l’international. Dans un système de santé centré sur l’hôpital, cette situation conduit à l’engorgement des services d’urgence.
Intégrer la norme ISO 9001
Le diagnostic peut paraître rude, mais n’est cependant pas sans remède. Soulignons d’ores et déjà qu’il ne suffit point d’avoir des médecins et du personnel hospitalier qualifiés et en nombre suffisant pour que l’hôpital fonctionne de manière optimale. Cela requiert aussi du matériel de pointe et des équipements performants soumis à une surveillance accrue et une maintenance préventive, un environnement de travail adéquat, des processus maîtrisés afin de garantir la conformité des prestations ainsi qu’une maîtrise des risques, et partant la satisfaction des usagers.
Une des clés essentielles pour pallier ces insuffisances reste néanmoins l’intégration dans l’organisation hospitalière de la démarche qualité-Normes ISO 9001 version 2015. La mise en place d’un système de management de la qualité est le meilleur gage pour en finir avec les dérapages et toutes les autres formes de dysfonctionnements d’ordre managérial ou opérationnel, facteurs d’augmentation des coûts.
Miser sur l’ambulatoire
L’hôpital de demain doit prendre en compte le développement des soins en ambulatoire, disposer de plateaux techniques de pointe. Il s’organise en regroupements hospitaliers territoriaux en vue « du juste soin, au bon moment, au bon endroit et au juste coût ». Conçu comme un hôpital numérique, l’hôpital de demain doit favoriser un meilleur échange des établissements de soins entre eux et ouvrir davantage l’hôpital à la médecine de ville. Le domicile devient un espace de soins : le malade pourra être soigné chez lui. Trois entités devront coopérer : l’hôpital, la médecine de ville et le secteur paramédical, sans omettre d’associer les acteurs du territoire (élus, usagers, financeurs, associations…).
Cette nouvelle manière de travailler, en réseau et dans une approche pluridisciplinaire, constitue un défi majeur pour les États et les gouvernements. Toutefois, ces évolutions demandent aux équipes hospitalières de la souplesse, de l’adaptabilité, de savoir conjuguer critères économiques et de soins durables du malade.
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