Droit à l’avortement en Afrique : le coût humain d’un tabou tenace
L’interruption volontaire de grossesse est illégale dans la quasi totalité des pays du continent. Ce tabou, législatif et culturel, n’empêche pas les femmes d’y avoir recours, au risque de subir de graves conséquences pour leur santé. Décryptage en infographies de l’état des lois.
Publié le 18 novembre 2022 Lecture : 2 minutes.
« This is not healthcare ! » Le slogan, tracé sur une affiche brandie par une manifestante dans les rues de Rabat fin septembre, est illustré par un dessin de cintre. Cet objet du quotidien si anodin, incarnation de l’une des “méthodes” aussi douloureuse que dangereuse utilisée pour pratiquer des avortements clandestins, est devenu l’un des symboles de la lutte pour la dépénalisation de l’interruption volontaire de grosses (IVG) dans le monde. Au Maroc, le débat a redoublé d’intensité au lendemain du décès de Meriem, une adolescente de 15 ans morte dans la nuit du 5 au 6 septembre des suites d’un avortement clandestin.
Dans le royaume, comme dans la majeure partie des pays du continent, l’avortement reste criminalisé. Sept ans après la mise en place d’une commission par le roi Mohammed VI, qui recommandait que l’IVG puisse être autorisé dans « certains cas de force majeure » – viol, inceste, malformation fœtale ou handicap mental – , rien n’a avancé sur le plan législatif.
Ce que nombre d’organisations internationales et d’ONG considèrent comme un droit fondamental est en recul partout sur la planète. Le 24 juin, la Cour suprême des États-Unis a annulé l’arrêt Roe v.Wade, qui autorisait toutes les Américaines à avorter depuis 1973. En Europe, la Pologne, la Hongrie et Malte reviennent sur cet acquis. L’Afrique n’en reste pas moins, et de loin, le continent où les lois sont les plus restrictives.
Conséquences sanitaires
À de très rares exception près – le Bénin, la Tunisie, le Cap Vert ou encore l’Afrique Sud – , le recours à l’IVG y est extrêmement restrictif. Que les législations soient directement issues ou inspirées de lois datant de l’époque coloniale, ou qu’elles soient inscrites dans la logique de la charia, le constat est presque partout le même : l’avortement reste tabou. Interdit dans la loi, tu dans les conversations, il est pourtant bel et bien pratiqué par des femmes qui, ayant recours à des avortements clandestins, s’exposent à des risques très graves pour leur santé. En Afrique, 1,6 million de femmes sont traitées chaque année pour des complications liées à des IVG non encadrées.
Majeur dans les pays où l’IVG est totalement interdite, ce phénomène existe aussi dans ceux où elle est autorisée mais soumise à des conditions très strictes. Ainsi en Côte d’Ivoire, le recours à l’avortement n’est autorisé qu’en cas de risque pour la santé physique de la femme, ou pour les victimes de viol. Pourtant, selon un sondage national mené en 2012, 43 % des femmes de 15 à 49 ans ont déclaré avoir déjà avorté, pour la majorité d’entre elles, dans des conditions sanitaires déplorables. Ces IVG réalisées en dehors du circuit formel seraient à l’origine de 10 à 18 % des décès maternels, selon une étude réalisée dans le pays en 2018.
Quels pays autorisent l’avortement et sous quelles conditions ? Quelles sont les peines encourues par les femmes qui avortent clandestinement ? Quelles sont les conséquences réelles de cette interdiction quasi générale sur la santé des femmes ? Décryptage en cartes et en infographies d’un enjeu crucial, entre morale et santé publique.