Maroc : le cannabis thérapeutique en débat

Les modalités d’application de la loi votée en 2021 qui autorise l’usage du chanvre à des fins médicales faisaient partie des thèmes abordés lors de la première conférence africaine sur la réduction des risques de santé de Marrakech.

Des agriculteurs arrachent des plants de cannabis sous la surveillance de la police marocaine dans la région de Larache, le 16 juin 2006. © ABDELHAK SENNA/AFP

Soufiane Khabbachi. © Vincent Fournier pour JA

Publié le 20 novembre 2022 Lecture : 3 minutes.

Renforcement des systèmes de soins ébranlés par le Covid, droits des patients, maladies cardiovasculaires et cancer, évolution des modes de vie, santé mentale, financement de la santé… Le programme de la première African Health Harm Reduction Conference, événement continental consacré aux problématiques sanitaires organisé à Marrakech par le ministère marocain de la Santé, était aussi dense que varié. Après plusieurs conférences sur les questions de santé publique communes à la plupart des pays africains, le sujet de la consommation du cannabis thérapeutique a été abordé. Une question particulièrement actuelle au Maroc, où une loi datant de 2021 prévoit l’encadrement des usages licites du « cannabis médical, cosmétique et industriel ».

Intitulée « Comment réussir le lancement de la filière du cannabis médical en Afrique ? », la table ronde présidée par le professeur Redouane Rabii, urologue et professeur à l’université Mohammed VI des sciences de la santé, a permis d’aborder quelques-uns des enjeux auxquels sont confrontées les autorités dans l’application de la loi.

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Traçage et suivi

Mohammed El Guerrouj, directeur général de l’Agence nationale de réglementation des activités relatives au cannabis (Anrac), s’est dit convaincu que la loi conduira nécessairement à « l’amélioration de la qualité de vie des populations concernées », avant de plaider en faveur de la mise en place d’un système rigoureux de contrôle et de traçabilité qui permettrait de maîtriser « les risques d’interférence entre culture licite et illicite ». Pour y parvenir, il compte créer une « plateforme digitale de suivi de tous les flux », des semences jusqu’à l’exportation puis la consommation.

« En tant que médecin, je vois des patients qui ont des cancers et qui souffrent, sur lesquels il n’est pas possible d’augmenter les doses de morphine », explique Redouane Rabii, avant d’ajouter que dans ces cas là, il n’est « pas possible de laisser des patients souffrir, en laissant les familles assister à cela ».

Le professeur a ensuite rappelé, études et exemples à l’appui, l’efficacité du cannabis thérapeutique dans le traitement de plusieurs maladies, dont celle de Parkinson. Redouane Rabii s’est fait, malgré lui sans doute, le porte-parole de nombreux médecins et chercheurs bien conscients du potentiel qu’offre le “kif” en matière de santé, mais qui se heurtent depuis des années à toutes formes de conservatisme lié à l’image négative dont pâtissent le chanvre et ses dérivés.

Potentiel économique

Signe que le sujet reste tabou, Mohammed El Guerrouj a tenu à rappeler qu’il n’est question à l’heure actuelle que d’usage médical, et en aucun cas récréatif. Une prise de précaution suivie par Redouane Rabii qui s’est également refusé à évoquer l’usage récréatif pour l’instant.

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La défaite cuisante du Parti de la Justice et du Développement (PJD – islamiste) aux dernières élections législatives de septembre 2021 permettra-t-elle d’accélérer la mise en application de la loi ? De tendance conservatrice, le parti était logiquement opposé à la légalisation du cannabis, même partielle, bien que des débats aient eu lieu au sein même de la formation.

Pour le Maroc, premier producteur mondial de cannabis, le potentiel économique est énorme. Pour les 100 000 familles du Rif qui vivent intégralement de cette activité, la légalisation est très attendue. Les agriculteurs ne touchent jusqu’ici qu’un montant dérisoire, estimé à 4 % du chiffres d’affaires lié au trafic. La loi de 2021 définit les superficies cultivables, les conditions d’octroi des autorisations pour la culture et le type de bénéficiaires concernés par cette réforme.

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Arnon Afek, médecin et professeur israélien, a affirmé qu’un grand pas en avant aura été réalisé lorsque le cannabis se sera affranchi de son image liée à la « fumette », en étant davantage commercialisé sous la forme de capsules, de spray ou d’huiles essentielles. Un aspect en apparence anecdotique autant qu’un angle mort du débat, mais qui n’est pas dépourvu d’utilité sur un sujet qui déchaîne tant les passions, et qui requiert un exercice permanent de pédagogie.

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