Cameroun-France : le ministre Jean de Dieu Momo condamné pour « injure raciste »
Le ministre délégué auprès du garde des Sceaux camerounais a lui-même eu affaire à une autre justice, celle de la France. Il écope de plusieurs milliers d’euros d’amende, de dommages et intérêts et de frais de justice.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 18 novembre 2022 Lecture : 2 minutes.
Au palmarès des débats sans fin, on peut en citer deux : « Peut-on juger un citoyen en dehors de son pays ? » et « Le racisme est-il toujours le fait de Caucasiens ? ». À la première question, la mésaventure de l’actuel ministre camerounais délégué auprès du ministre de la Justice répond par l’affirmative. C’est devant la 17e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris que Jean de Dieu Momo vient d’écoper, en délibéré, de 1 000 euros d’amende, 4 000 euros de dommages et intérêts à verser à sa victime et 2 000 euros de frais de justice à rembourser. Une délocalisation judiciaire moins justifiée par le lieu – virtuel – du délit que par l’inscription de la victime, Me Félicité Esther Zeifman, au Barreau de Paris.
En faisant référence à un délit d’injures publiques en « raison de l’origine », la sentence évoque bien le racisme. Les propos reprochés au condamné figurent dans la liste des grands classiques du dénigrement des populations noires : « guenon » ou « primate », postés respectivement en 2020 sur Whatsapp et sur Facebook. Si la cible est bien une femme “de couleur”, d’origine camerounaise, il est original que les termes simiesques lui soient attribués par un homme de la même couleur de peau…
Précédents
Serait-ce la preuve qu’il ne s’agit pas de propos racistes ? Jean de Dieu Momo n’en est pas à sa première accusation de xénophobie. En 2019, il dénonçait « l’arrogance des “juifs” dans les années 1930 en Allemagne », « un peuple qui était très riche, qui avait tous les leviers économiques ». L’année suivante, il fustigeait le « nom d’emprunt étranger » de Félicité Zeifman, celle-ci ne faisant qu’arborer assez classiquement son nom marital. Il ne resterait plus qu’à détecter quelques relents misogynes dans les saillies du condamné…
Pourquoi les chargés de la Justice du gouvernement camerounais s’embarrassent-ils d’un avocat doté d’une rhétorique si peu subtile ? Sans doute à cause d’une de ses autres caractéristiques : ancien opposant au régime de Paul Biya et candidat à l’élection présidentielle de 2011, Jean de Dieu Momo s’est finalement fondu dans l’exécutif… L’arrière-plan de ce mauvais feuilleton serait-il donc moins raciste que politicien ? L’un n’empêche pas l’autre, semble dire la plaignante qui l’a fait condamner pour « injure raciste », tout en expliquant l’animosité à son égard par son positionnement d’opposante au pouvoir en place. La ligne de défense du condamné nie toute intention raciste et affirme qu’il ne s’agissait, justement, que d’échanges à dimension politique. L’outrance animalière à la rescousse du racisme…
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