Le Nobel de la guerre

Fawzia Zouria

Publié le 28 octobre 2012 Lecture : 2 minutes.

Certains ont accueilli avec scepticisme, voire ironie, la décision d’accorder le Nobel de la paix à l’Europe. Par ces temps où l’Union se bat sur le front de la crise et menace de rendre les armes devant le monstre du chômage et de l’endettement, la décision fait sourire, en effet. Car c’est oublier aussi l’épée de Damoclès suspendue sur les traités et les conventions, la menace brandie contre l’euro, des dissonances politiques à fleuret moucheté, l’artillerie lourde du fisc, le KO des entreprises en faillite. Et puis la Grèce n’a pas que des alliés dans l’arène européenne. C’est bien une nouvelle guerre de Troie qui se déroule entre Angela Merkel et le peuple d’Athènes. Et les Roms ? La France mène avec succès les incursions destinées à bouter hors des campements les « envahisseurs » de l’intérieur, sans se préoccuper des dommages moraux. Ajoutez à cela la guérilla intra-muros qui vise particulièrement les immigrés musulmans. Anders Breivik fait figure de croisé, et Charles Millet, qui en dresse l’éloge littéraire, de scribe de service. Entre les mangeurs de cochon et les mangeurs de mouton, il n’y a pas que des intermédiaires de bonne volonté. Il ne se passe pas une semaine sans que les flèches de Jean-François Copé atteignent le coeur des cités et blessent les petits mahométans, que le patron de l’UMP accuse de malmener les chérubins blancs. Enfin, on peut penser que ce n’est pas parce qu’on se réjouit de s’être préservé du feu et de voir plutôt brûler la maison du voisin qu’on mérite la palme de la paix. Il suffit de se retourner sur ces deux dernières décennies pour se persuader que la devise de l’Europe s’apparente en la circonstance au proverbe arabe « épargne ma tête et cogne ailleurs ». Considérez la zizanie semée insidieusement chez d’autres peuples et les stocks d’armes vendus aux pigeons des autres continents. Et cette façon de jouer les guerriers – déguisés en anges de la paix – dont l’Europe n’est sortie indemne ni à Srebrenica ni à Kigali. Idem pour la razzia de l’Otan sur la Libye et pour le soutien à la guerre américaine en Irak et en Afghanistan.

Cela dit, il ne suffit pas de critiquer les Européens. Côté arabo-musulman, permettez l’expression : c’est le bordel ! La Palestine est un foyer de guerre depuis plus d’un demi-siècle, et ce n’est pas que la faute des Israéliens. L’Iran rêve de nous lancer à la figure sa bombe nucléaire. Le Printemps arabe a armé les guerriers de la charia et aiguisé leurs sabres. Arrière les femmes ! La Syrie est à feu et à sang. Doux Jésus ! Et encore, je ne pousse pas jusqu’à Kaboul et Tombouctou. On serait presque tenté de dire que les seuls pays musulmans pacifiés sont ceux où les dictateurs ont conservé leur siège. Regardez l’Arabie qui ronronne et le Qatar qui fanfaronne ! Le reste de la région, bien que débarrassé de Moubarak, Ben Ali et consorts, est loin d’avoir surmonté ses discordes. Vous ne m’en voudrez donc pas de proposer au jury de Stockholm un Nobel de la guerre pour le monde musulman qui s’appellerait, ironie du sort, Dar as-salam – en arabe « la Maison de la paix »…

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