Quand les petites mains chinoises d’Apple jouent des poings

Huit cent mille salariés chinois travaillent pour Apple dans des conditions tellement dures que, du Shanxi au Henan, les révoltes se multiplient. Pas très bon pour l’image cool et branchée de la multinationale !

Publicité pour l’Ipad 2 dans une rue de Sanghai, en mars. © Eugene Hoshiko/AP/Sipa

Publicité pour l’Ipad 2 dans une rue de Sanghai, en mars. © Eugene Hoshiko/AP/Sipa

Publié le 29 octobre 2012 Lecture : 2 minutes.

«De minuit à 6 heures du matin, un iPhone 5 passe devant moi toutes les trois secondes. Je dois le saisir, marquer quatre points avec un stylo spécial et le remettre sur le tapis roulant. J’ai terriblement mal au cou et aux bras. Un jour, l’ouvrier en face de moi était épuisé. Il s’est allongé pour se reposer, le contremaître l’a vu et l’a puni en l’obligeant à se tenir debout face au mur pendant dix minutes. Devant tout le monde, comme à l’école ! »

Journaliste au Shanghai Evening News, l’auteur de ce témoignage s’était fait embaucher comme ouvrier dans l’usine Apple de Taiyuan en vue d’un reportage. Il n’a pas tenu longtemps : une semaine ! Le mois dernier, c’est dans cette même usine que plusieurs milliers d’ouvriers ont joué des poings pour régler leurs différends avec certains vigiles. Bilan : une quarantaine de blessés et l’intervention de 5 000 policiers anti­émeutes. Début octobre, des ouvriers de la gigantesque usine de Zhengzhou (plus de 110 000 salariés) se sont à leur tour mis en grève pour protester contre les méthodes musclées de leur patron : Foxconn, le tout-puissant sous-traitant d’Apple. Dirigée d’une main de fer par le Taiwanais Terry Gou, l’entreprise fabrique notamment les iPhone et iPad de dernière génération. Elle emploie en Chine plus de 1 million de personnes, dont 800 000 pour fabriquer les produits Apple.

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Mal-être

« Au début, explique l’une d’elle, j’étais contente parce que l’usine est proche de chez mes parents et que les salariés bénéficient d’une assurance et d’une cantine. Mais j’ai signé surtout pour le salaire, deux fois plus élevé que celui que je touchais auparavant. » Après quelques mois passés sur les lignes d’assemblage, son jugement est plus contrasté. Pour gagner ses 200 euros mensuels, la jeune femme (elle a 23 ans) doit accepter des cadences de travail infernales. Les pauses toilettes se limitent à dix minutes toutes les deux heures et les heures supplémentaires sont imposées sans toujours être payées. Et puis il y a ces contremaîtres et vigiles parfois violents… Quant à la cantine et à l’assurance, elles existent, sans doute, mais elles sont déduites de son salaire.

Résultat : le mal-être des petites mains prend volontiers un tour violent. Depuis une série de suicides, il y a deux ans, les grèves se multiplient. « Les ateliers de la sueur », comme les surnomme la presse chinoise, sont régulièrement dénoncés. Une ONG, l’Institut pour les affaires publiques et l’environnement, vient même de classer Apple en dernière position sur une liste de 29 multinationales travaillant en Chine. « C’est vraiment sa face sombre, commente Ma Jun, son directeur. Leader dans les nouvelles technologies, Apple avait jusqu’ici l’image d’une entreprise citoyenne et à la mode, alors qu’elle se révèle la plus dure qui soit concernant les conditions de travail. »

Elle a bien tenté de redorer son blason en lançant un audit social complet concernant 288 de ses sous-traitants. On y apprend par exemple que 10 usines chinoises faisaient travailler 91 enfants, dont 42 sur un seul site. Et que les cas de discrimination à l’embauche, de recrutement d’ouvriers sans papiers et de non-paiement des heures supplémentaires étaient légion. Le ménage a été fait, mais la grogne persiste. « Depuis le lancement de l’iPhone 5, le rythme de travail s’est encore accéléré, explique la jeune ouvrière de Zhengzhou. La pression est telle que je ne sais pas si je vais pouvoir tenir longtemps. » 

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