Mauritanie : Ould Abdelaziz blessé, le récit d’une méprise présidentielle

Mohamed Ould Abdelaziz, blessé par erreur par une patrouille militaire… qui n’a fait qu’exécuter ses ordres. En convalescence à Paris, le président mauritanien pourrait rentrer à Nouakchott le 31 octobre ou le 1er novembre. Retour sur les circonstances d’une fusillade qui n’a peut-être pas livré tous ses secrets.

À l’hôpital militaire de Nouakchott, le 14 octobre, avant son évacuation vers Paris. © AMI

À l’hôpital militaire de Nouakchott, le 14 octobre, avant son évacuation vers Paris. © AMI

Publié le 29 octobre 2012 Lecture : 5 minutes.

A-t-on voulu assassiner Mohamed Ould Abdelaziz ? Depuis que le président mauritanien a été blessé par balle, dans la soirée du 13 octobre, la rumeur s’emballe à Nouakchott. Mais la thèse d’un attentat d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qui l’avait menacé de mort en février 2011, a vite été écartée. Selon les autorités, « Aziz », 55 ans, aurait été victime d’une erreur d’une patrouille mobile de l’armée.

Ce soir-là, comme à son habitude, le président s’apprête à regagner Nouakchott après avoir passé le week-end dans son Inchiri natal, à Sweihel (160 km de la capitale), une zone désertique où il a fait installer il y a une dizaine d’années une unité de pompage d’eau. Un petit troupeau de chameaux, ainsi que quelques moutons – tous ne sont pas à lui -, viennent s’y abreuver. « Il ne possède ni ferme ni villa, assure son entourage. Juste une caravane et une tente. »

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Vive allure

À 17 h 30, le crépuscule commence à envelopper les dunes. Vêtu d’une djellaba, Aziz, qui aime conduire lui-même, s’installe au volant de son puissant Toyota V8 bleu ciel aux vitres fumées, mais qui n’est pas blindé, accompagné de son cousin Ahmed Ould Abdelaziz. Il connaît ce coin de désert comme sa poche et roule à vive allure sur la piste. Une escorte de six gardes le suit à 300 m dans un Toyota GX. Arrivés à hauteur de la petite localité d’Akraïdil, à 18 km de la capitale et à quelques centaines de mètres de la route bitumée Akjoujt-Nouakchott, les deux hommes voient soudain une Toyota Avensis grise, immatriculée en Belgique, qui fonce droit sur eux. À son bord, le lieutenant El Hadj Ould Ahmedou (qui s’est exprimé depuis sur les circonstances du drame), et un de ses officiers. Le premier est à la tête d’une petite unité de l’armée de l’air. Ils se trouvent à 500 m de leur base. Le président leur fait plusieurs appels de phares afin qu’ils lui cèdent le passage.

Mais la Toyota Avensis s’arrête et se met en travers de la route. Aziz fonce et force le passage. À peine a-t-il dépassé de quelques mètres le véhicule de la patrouille qu’Ould Ahmedou se retourne et tire plusieurs rafales. Treize balles atteignent la voiture présidentielle : l’une traverse le coffre et le siège du conducteur, avant d’atteindre Aziz à l’abdomen, près du rein gauche, et de ressortir. Selon Ahmed Ould Abdelaziz, le président n’a pas été blessé au bras, contrairement à ce qu’avait annoncé Hamdi Ould Mahjoub, le ministre de la Communication. Les gardes d’Aziz arrivent en trombe, puis sont à leur tour pris pour cible : deux balles atteignent la roue de secours à l’arrière de leur véhicule. Mais ils ne s’arrêtent pas et filent la voiture présidentielle.

L’intérim qui ne dit pas son nom

Jamais la Mauritanie n’avait connu pareille situation. Officiellement, Mohamed Ould Abdelaziz est toujours aux manettes. « Tout se passe comme d’habitude », confie-t-on dans son entourage. L’article 40 de la Constitution ne prévoit l’intérim qu’« en cas de vacance ou d’empêchement déclaré définitif par le Conseil constitutionnel ». Il reviendrait alors au président du Sénat de l’assurer « pour l’expédition des affaires courantes ». En l’absence d’Aziz, c’est son ami de trente ans Mohamed Ould Ghazouani, chef d’état-major et général de division, qui tient officieusement les rênes. Il occuperait même le bureau présidentiel.

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Après quelques kilomètres, Aziz cède le volant à son cousin, qui n’a pas une égratignure. Lui saigne abondamment, mais aucun organe vital n’est touché. Il s’empare de son téléphone et appelle son escorte : « On m’a tiré dessus, ne me suivez pas et retournez les neutraliser, c’est une Avensis grise. » Son deuxième appel est pour son ami, le chef d’état-major Mohamed Ould Ghazouani. Il l’informe de ce qu’il croit être une tentative d’assassinat et lui demande de réunir l’ensemble des généraux, ainsi que son médecin personnel, le docteur Meïda, à l’hôpital militaire de Nouakchott. Peinant à contenir l’hémorragie, il est au bord de l’évanouissement et ne cesse de verser de l’eau glacée sur sa plaie. Une trentaine de minutes plus tard, ils arrivent enfin à l’hôpital, où un important dispositif de sécurité a été mis en place. Ses proches sont déjà là. De nombreux Nouakchottois, informés de la nouvelle, se massent à l’entrée. Aziz en franchit le seuil à pied, avant de perdre connaissance. Conduit au bloc, il est opéré par les professeurs Kane et Ould Magaya, les meilleurs chirurgiens de la ville.

Sécurité renforcée

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Au même moment, l’auteur des coups de feu, El Hadj Ould Ahmedou, 28 ans, est arrêté et interrogé. Originaire de Kiffa (600 km au sud de Nouakchott), il explique n’avoir « fait que son travail », ayant reçu, comme tous les militaires, l’ordre présidentiel de contrôler les voitures la nuit et de tirer en cas de désobéissance. La semaine de l’attaque, la sécurité avait en effet été renforcée aux abords des grandes villes en raison d’une menace, jugée sérieuse, de coup d’État, ce que confirme une source dans les milieux des renseignements français. Aziz avait d’ailleurs annulé sa participation au sommet de la Francophonie à Kinshasa, ainsi que deux déplacements privés à Bruxelles et Paris.

Pourquoi Ould Ahmedou n’a-t-il pas été informé de l’arrivée du convoi présidentiel ? Mystère. Toujours est-il que le lieutenant est libéré dans la nuit. Ghazouani avalise la décision d’évacuer le président en France. Quelques heures après son réveil, Aziz est filmé sur son lit d’hôpital, enveloppé dans un drap blanc. Les images sont diffusées le lendemain sur la télévision nationale. « Nous voulons rassurer les citoyens mauritaniens quant au succès de l’opération […], après un accident causé par un groupe de militaires », souffle le chef de l’État, visiblement très affaibli. Le 14 octobre, à 9 h 30, il est évacué à bord d’un avion médicalisé français vers l’hôpital militaire Percy, à Clamart (sud-ouest de Paris), pour y recevoir des « soins complémentaires ». Ses directeurs de cabinet et du protocole, un conseiller, ainsi que ses proches embarquent peu après à bord d’un vol régulier.

Resté deux jours en réanimation, il est admis au service chirurgie, au troisième étage de l’établissement, et, selon ses proches, se remet très bien de ses blessures. Il continue de donner des instructions depuis son lit d’hôpital, avant d’entamer sa convalescence. Dans la soirée du 16 octobre, le président François Hollande lui a téléphone pour s’enquérir de son état de santé. Le 23 octobre, il sort de l’hôpital et, deux jours plus tard, présente ses voeux aux Mauritaniens pour l’Aïd el-Kébir depuis une résidence près de Paris où il poursuit sa convalescence. Selon ses proches, il pourrait rentrer à Nouakchott mercredi 31 octobre ou jeudi 1er novembre.

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