COP27 : les pertes et dommages, l’accord « historique » que l’Afrique n’attendait plus
La création d’un fonds destiné à compenser les dégâts climatiques que les pays pauvres subissent déjà était attendue de longue date. Reste encore à déterminer quels pays en bénéficieront.
« Au début de ces pourparlers, les pertes et dommages n’étaient même pas à l’ordre du jour. Et maintenant, nous entrons dans l’histoire. » Mohamed Adow, directeur de l’ONG Power Shift Africa, ardent défenseur du fonds destiné à compenser les dégâts climatiques que les pays pauvres subissent déjà, se montre enthousiaste. À l’issue de la COP27, qui s’est terminée sur un bilan très contrasté, ces derniers repartent finalement de Charm el-Cheikh avec un accord « historique ». Illustration des difficultés à en accoucher, celui-ci a été adopté presque à la sauvette, en milieu de nuit et au début de la séance de clôture de cette conférence des parties. Adoption accueillie par des applaudissements, pour une décision réclamée avec insistance depuis des années.
« C’est une énorme réussite que d’obtenir un accord après trente ans passés à essayer de mettre cela à l’ordre du jour, » se réjouit Tasneem Essop, directrice du réseau d’ONG Climate Action Network. « Historique. Je crois vraiment que c’est historique », abonde Collins Nzovu, ministre de l’Environnement de la Zambie. « C’est un résultat très positif pour 1,3 milliard d’Africains. »
Sécheresses et inondations
L’année 2022 a tristement illustré l’accélération des impacts catastrophiques du réchauffement de la planète : sécheresses et insécurité alimentaire au Sahel et dans la corne de l’Afrique, inondations dévastatrices au Pakistan et au Nigeria. Des pays qui, souvent, contribuent peu aux causes du changement climatique et qui réclamaient donc un mécanisme financier spécifique, pérenne et « prévisible », pour les « pertes et dommages » qu’ils subissent, et qui se chiffrent déjà en dizaines de milliards.
Mais, craignant notamment d’admettre une quelconque responsabilité juridique, les pays riches, gros émetteurs historiques de gaz à effet de serre, s’y refusaient depuis des années. Ce qui passait d’autant plus mal qu’ils n’ont pas tenu leur engagement pris en 2009 de porter à 100 milliards de dollars par an leurs autres financements climat aux pays en développement.
Après des années de refus, ils ont finalement accepté que le sujet figure officiellement à l’ordre du jour de la COP de Charm el-Cheikh, car « tout le monde a maintenant conscience que les choses sont bien au-delà de notre contrôle. Les gens perdent leurs maisons, leurs fermes et leurs revenus et le système actuel d’aide humanitaire extérieure n’était pas suffisant. Nous devions donc faire quelque chose de très différent et de très nouveau », analyse Harjeet Singh, du réseau d’ONG Climate Action Network.
Tabou brisé
La bataille diplomatique n’a pas été simple. Les pays en développement se sont présentés unis, sous l’étendard d’une proposition du puissant groupe de négociation G77+Chine. Face à l’hostilité des pays riches, les ONG maintenaient la pression, dénonçant chaque jour en conférence de presse l’égoïsme des « pollueurs historiques » qui, après avoir construit leur richesse sur les énergies fossiles causant le réchauffement, refusent d’aider ceux qui en subissent les conséquences.
Pendant ce temps, les conciliabules se multipliaient dans les couloirs, avec des annonces ou rumeurs de projets, contre-projets, mais pas de textes concrets en circulation. Les États-Unis, particulièrement visés, sont restés extrêmement discrets, laissant les Européens monter au créneau. Et finir par accepter le principe de la création d’un fonds financier dédié. « Les pays développés ont réussi à briser ce tabou [du refus d’un fonds…], il faut leur accorder ce mérite », commente Inès Benomar, du groupe de réflexion E3G.
Mais les négociations ont failli capoter jusqu’à la dernière minute, notamment sur la place de la Chine : contributeur ou bénéficiaire potentiel ? Les pays développés ont insisté pour que soit explicitement mentionné le fléchage de ce fonds vers les « plus vulnérables ». Un accord a finalement été trouvé lors d’une ultime réunion de conciliation, après un retournement des petits États insulaires, particulièrement menacés par les impacts climatiques, selon des sources concordantes, dont certaines évoquaient des « pressions ».
Et l’émissaire chinois pour le climat, Xie Zhenhua, a donné son imprimatur en estimant que le fonds devrait bénéficier à tous les pays en développement mais être orienté « d’abord vers les pays fragiles ». L’accord, volontairement assez général, prévoit qu’un comité spécial règle les détails opérationnels d’ici à la prochaine COP28, dans douze mois à Dubaï. Et pour une source européenne, la vraie bataille pour déterminer le rôle exact du fonds et qui paiera ou recevra quoi commencera à peine sèche l’encre de l’accord de Charm el-Cheikh.
(avec AFP)
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