Vatican : Peter Turkson, cardinal scandale
En diffusant une vidéo islamophobe au Vatican, le Ghanéen Peter Turkson a déclenché une polémique. Un faux pas malvenu pour l’un des rares papabili noirs.
D’ordinaire, les sessions des synodes épiscopaux (assemblées d’évêques) sont calmes et policées, avec des interventions d’ecclésiastiques qui se succèdent sans faire de vagues. Celui sur la « nouvelle évangélisation », qui rassemble au Saint-Siège 262 prélats de tous les continents du 7 au 28 octobre, déroge à cette habitude. Et c’est le cardinal ghanéen Peter Turkson, 64 ans, qui, à la surprise générale, a joué les perturbateurs.
Lors de son intervention du 13 octobre, celui qui jusqu’alors était considéré comme une étoile montante parmi les « princes de l’Église » a diffusé une vidéo douteuse, intitulée Muslim Demographics. Disponible sur internet, elle pronostique la disparition de l’Europe chrétienne, menacée par la forte natalité des musulmans. En anglais, sur fond de musique lugubre, l’avènement d’une république islamique en France y est annoncé pour 2050. Les statistiques utilisées pour étayer cette démonstration sont pour le moins fantaisistes : le nombre d’enfants dans les familles musulmanes de France y est estimé à 8,1 par femme, et la proportion de Belges musulmans à 25 % (contre 6 % en réalité).
La projection de cette vidéo a immédiatement déclenché une vive polémique. « Cette session de discussion libre a été, de loin, la plus animée », a noté le père Thomas Rosica, de la télévision catholique canadienne Sel et Lumière. Même si le synode se tenait à huis clos, plusieurs évêques ont fait part à l’extérieur de leur indignation. Mgr André Vingt-Trois, l’archevêque de Paris, a ainsi exprimé son « désaccord très net » avec les thèses d’une vidéo « qui s’apparente à de la propagande », indiquant qu’il ne fallait pas que « la nouvelle évangélisation devienne une croisade ». Les évêques africains contactés ont préféré ne pas commenter.
Modéré
Ceux qui connaissent l’ancien archevêque de Cape Coast (Ghana), un diocèse où les musulmans sont peu nombreux, sont surpris. « Il est d’accès facile, cordial et modéré. À la tête du Conseil national pour la paix, il a joué un rôle d’apaisement lors des élections de 2008 au Ghana et dans la mise en place du système de santé pour tous, chrétiens comme musulmans », se souvient un coopérant catholique français qui travaillait à l’époque avec lui. C’est d’ailleurs pour son sens du dialogue que le pape Benoît XVI l’avait nommé le 24 octobre 2009 à la tête du prestigieux conseil pontifical Justice et Paix, qui porte la voix de l’Église catholique sur les questions sociales, environnementales et économiques.
"Je n’ai aucune intention d’attaquer l’islam. Pour moi, ce serait comme attaquer ma propre famille", s’est défendu le prélat ghanéen, rappelant sa proximité avec son oncle paternel musulman.
« Ce qui m’étonne le plus, c’est que ce petit film de sept minutes a été concocté en 2009 par des évangéliques américains, qui ne sont pourtant pas en odeur de sainteté à Rome », confie, perplexe, un journaliste catholique au Vatican. Dans une interview au quotidien italien La Stampa, Mgr Turkson a dit regretter une diffusion maladroite. « En montrant cette vidéo, je souhaitais mettre en garde contre les conséquences de la culture occidentale "anti-vie" [maîtrise des naissances, NDLR] sur la démographie. Je n’ai aucune intention d’attaquer l’islam. Pour moi, ce serait comme attaquer ma propre famille », s’est défendu le prélat ghanéen, rappelant sa proximité avec son oncle paternel musulman.
Reste que, maladresse ou pas, la polémique devrait laisser des traces pour ce proche de Benoît XVI. Surnommé dans la presse anglo-saxonne « le futur premier pape noir » depuis qu’il est devenu cardinal en 2003, Peter Turkson pourrait, après cette affaire, perdre ce statut de papabile.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Politique
- Sexe, pouvoir et vidéos : de quoi l’affaire Baltasar est-elle le nom ?
- Législatives au Sénégal : Pastef donné vainqueur
- Au Bénin, arrestation de l’ancien directeur de la police
- L’Algérie doit-elle avoir peur de Marco Rubio, le nouveau secrétaire d’État améric...
- Mali : les soutiens de la junte ripostent après les propos incendiaires de Choguel...