Dudu MacPherlin : l’art du rebond

Après être passé par l’Inde, ce footballeur d’origine nigériane joue désormais pour un club finlandais. Sans regrets ni illusions démesurées.

SPECIAL FOR JEUNE AFRIQUE # Dudu MacPherlin, football player from Nigeria pictured in Espoo, Finland on June 14, 2012. Après être passé par l’Inde, ce footballeur d’origine nigériane joue désormais pour un club finlandais. © Roni Rekomaa/LEHTIKUVA pour J.A.

SPECIAL FOR JEUNE AFRIQUE # Dudu MacPherlin, football player from Nigeria pictured in Espoo, Finland on June 14, 2012. Après être passé par l’Inde, ce footballeur d’origine nigériane joue désormais pour un club finlandais. © Roni Rekomaa/LEHTIKUVA pour J.A.

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 18 octobre 2012 Lecture : 4 minutes.

Bien sûr, de nombreuses photos de lui sont disponibles sur internet. Mais en l’attendant devant le Kiasma, le musée d’art contemporain de Helsinki, le doute s’installe : comment reconnaître Dudu Omagbemi MacPherlin alors qu’il ne portera ni ses chaussures à crampons ni le maillot aux couleurs du Football Club Honka ? Craintes inutiles : le voilà qui arrive, visage angélique, silhouette gracile portée par des baskets argentées. Ce qui le trahit ? La masse musculaire de ses cuisses serrées dans un jean moulant. Sinon, il aurait plutôt l’air d’un acteur ou d’un mannequin. En 2011, cet attaquant a marqué neuf buts, et son équipe a remporté la Finnish League Cup, même s’il confie : « Ce n’était pas une très bonne année. J’ai eu des problèmes avec mes jambes. »

Au coeur de la capitale finlandaise, un footballeur même connu se déplace sans attirer une nuée de chasseurs d’autographes. Le sport national, c’est le hockey sur glace. Dans la cafétéria bondée du musée, MacPherlin commande donc son café incognito. « Ce n’est pas une nation de football, confie le jeune homme, qui a vu le jour il y a vingt-sept ans à Lagos. Mais la vie ici est agréable, il n’y a pas de racisme et l’atmosphère du club est bonne. » ?

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L’histoire qu’il va nous raconter n’a rien à voir avec le conte de fées modelé sur le thème : il n’avait rien, il jouait pieds nus dans la rue, un agent l’a remarqué et il est devenu riche et célèbre, acclamé dans tous les stades d’Europe. Mais il y a un peu de ça, tout de même.

Enfant, il joue sans chaussures dans les rues de Lagos quand un certain Oke Oloto lui dit : « Hé ! Toi ! Tu joues très bien, tu devrais rejoindre un club. » À l’âge de 10 ans, il intègre l’Okobaba Football Club et s’y entraîne après l’école, sous le regard dudit Oloto. « Mon père n’aimait pas que je joue dans la rue, alors que moi j’aimais ça ! » Six ans plus tard, parce qu’il connaît des Nigérians installés en Inde, il quitte Lagos pour un pays qui n’est pas précisément réputé pour la qualité de son foot. « Oke Oloto m’a dit qu’il fallait que j’utilise mon talent. J’ai obtenu un visa la veille de mon départ, le 17 mars 2001. Cela a été un choc pour ma famille. »

Il paraissait timide, il devient soudain bavard, comme s’il revivait heure par heure ses premiers pas de footballeur en Inde. Comment retrouver un groupe de joueurs nigérians quand on a à peine 16 ans et qu’on ne possède même pas une adresse précise ? « J’étais perdu, il n’y avait pas un Africain dans la rue. J’ai tout de même eu la chance de rencontrer des gens sympathiques. » Bus, trains, galères, débrouille et volonté, MacPherlin échoue à Calicut (Kerala) et, malgré son âge, parvient à convaincre des compatriotes de participer à des compétitions stakhanovistes de football, à raison de plusieurs matchs par jour devant quelque 5 000 personnes pour « gagner de l’argent ». « Tu es trop jeune, me disaient-ils. Mais le terrain était comme la rue, dur, avec des cailloux, dangereux. Je ne le conseillerai à personne, mais dès la première fois j’ai marqué quelques buts, nous avons gagné et tout le monde est venu me demander : « Mais d’où sortez-vous ? ». » Le bruit court qu’un jeune prodige du ballon vient de débarquer, et MacPherlin multiplie les matchs, sans contrat, payé en espèces à la fin de chaque journée. L’arrivée de son compatriote Godspower Chebes Fidelis – un frère – va lui permettre de mieux négocier. « J’ai marqué, j’ai séduit les fans, j’étais bien payé, je suis resté. La seule chose à laquelle je pensais, c’était jouer. »

En 2001, MacPherlin impressionne le directeur du Sporting Clube de Goa, Peter Vaz. « Je suis devenu capitaine de l’équipe. Je n’avais que 17 ans. » « Prêté » ponctuellement au Dempo Sports Club (Inde), au Salgaocar Sports Club (Inde) et au Penang FA (Malaisie), celui que l’on surnomme alors Oma permet au Sporting d’accéder à la première division. Et malgré un grave accident de bus, l’équipe, affaiblie, termine deuxième du championnat l’année suivante…?

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L’appel de l’Europe se manifeste en 2006 par la voix de celui qui va devenir son agent, le Grec Makis Zapatinas, et se concrétise au cours de la saison 2007-2008 par un contrat avec le Wisla Cracovie (Pologne). Malgré des débuts prometteurs, le rêve se fane sur un banc de touche avant de refleurir un temps en Hongrie, au sein du Debrecen VSC et du Kecskemeti TE. Et puis, en 2010… « J’ai été blessé, ils ont voulu me faire jouer dans une petite équipe, j’en ai eu marre… » Un appel de son ange gardien Godspower l’oriente vers une destination glaciale : la Finlande. Pour l’équipe de Kuopio, KuPS, il marque huit buts en dix matchs.

Désormais au FC Honka, MacPherlin ne rêve plus de Manchester United ou du Real Madrid. Célibataire, le jeune homme qui se sent à l’aise où qu’il soit envoie de l’argent à sa mère et à sa soeur, au pays. « Même si je n’y vais pas souvent, l’Afrique est ma maison », soutient-il. Et demain ? « Je ne sais pas. Je vis au jour le jour. J’aime écouter de la musique religieuse et cuisiner, je suis un gars heureux. J’aimerais chanter, ou jouer dans des films… » En attendant, il faut reprendre l’entraînement.

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