Quand Amin Maalouf décrivait la révolution iranienne pour Jeune Afrique

De retour à Téhéran après un long exil, l’ayatollah Khomeiny renverse le shah le 11 février 1979. Une révolution qui changera la face du monde, comme Amin Maalouf, alors envoyé spécial de JA en Iran, l’avait si bien pressenti.

Le 2 février 1979, la foule acclame l’ayatollah Khomeiny, rentré la veille à Téhéran après quinze ans d’exil.

Publié le 11 février 2023 Lecture : 3 minutes.

Nous republions cet article alors que l’Iran célèbre ce 11 février 2023 le 44ᵉ anniversaire de la révolution islamique.

Nous venons d’assister à l’un des bouleversements les plus gigantesques des temps modernes. Comme la révolution française de 1789, comme la révolution russe de 1917, comme la révolution chinoise de 1949, comme les deux guerres mondiales, la révolution iranienne va transformer le monde.

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Il est possible que les insurgés de Téhéran n’aient jamais eu qu’un seul objectif : se débarrasser d’une dictature qui a trop duré. Il est probable que leurs dirigeants eux-mêmes arrivent difficilement à suivre le rythme des événements. Mais n’est-ce pas là la caractéristique d’une révolution populaire ?

Le 5 février, l’ayatollah Khomeiny avait appelé la population à manifester pacifiquement en faveur du Premier ministre, Mehdi Bazargan, qu’il venait de nommer. Il s’agissait avant tout de plébisciter le nouveau « gouvernement révolutionnaire provisoire » et de démontrer l’isolement du Premier ministre Chapour Bakhtiar.

Loyalisme de l’armée ?

Le 9 février, c’est véritablement « le grand soir » de l’imagerie révolutionnaire quand le peuple en armes fraternise avec les soldats. L’armée tente d’imposer un couvre-feu le lendemain, mais trop tard. Ce sont maintenant des dizaines de milliers de personnes qui portent les armes. Pour éviter l’effritement de ses troupes, l’état-major ne peut que leur ordonner de rentrer dans les casernes. La radio, la télévision, les ministères tombent sans difficulté le 11 février aux mains des insurgés. Bakhtiar se met sous la protection de son adversaire et néanmoins ami Bazargan avant d’être livré à Khomeiny.

Le 13, Téhéran est calme, et l’on parle déjà de reprise du travail. Mais la mise en place de la république islamique ne se fera pas sans difficultés. Khomeiny et Bazargan ont bien été assurés du loyalisme de l’armée, mais peuvent-ils s’y fier ? Ne seront-ils pas tentés de conserver une « milice populaire » et d’épurer le corps des officiers ?

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Vénération

De toute manière, il est trop tôt pour savoir quelle sera l’orientation de la révolution. Jusqu’à présent, les aspirations religieuses, intégristes ou pas, se mêlaient aux rêves de révolution sociale radicale, et la soif de démocratie politique coexistait avec la vénération d’un chef religieux de 78 ans. Maintenant que l’ennemi n’est plus en face, ces tendances vont-elles s’affronter ou se fondre dans une synthèse originale ?

L’évolution à Téhéran sera passionnante à observer, et bien des choses dans le monde en dépendront. L’Iran impérial était à la fois le principal bastion des Américains sur le continent asiatique, le principal allié de la Chine dans sa tentative d’encerclement de l’Union soviétique, l’État le plus puissant de l’Opep, la première puissance du Golfe, la première force militaire du Moyen-Orient, le seul allié d’Israël dans le monde islamique, la monarchie absolue la plus ancienne du monde… On pourrait ajouter plus d’un superlatif. Mais contentons-nous de regarder de plus près quelques-unes de ces réalités.

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L’islam, énigme de cette révolution

La chute de Téhéran survient dix mois après le passage de l’Afghanistan dans le camp soviétique, à un moment où le Pakistan est au bord de la guerre civile à cause de l’« affaire Bhutto » et où la Turquie menace de se rapprocher de Moscou. Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, il n’existe plus aucun dispositif militaire occidental à la frontière asiatique de l’URSS.

Reste l’islam, la véritable énigme de la révolution iranienne. Guidera-t-il l’action des nouveaux dirigeants ou bien sera-t-il, après une phase de purisme, une simple référence sans effet ? Deviendra-t-il, comme dans d’autres pays, un barrage contre le marxisme ou bien gardera-t-il ses accents violemment anti-occidentaux ? Dans un grand nombre de pays islamiques on observe l’évolution en Iran avec passion. Certains rongent leur frein et se préparent. D’autres tremblent.

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