Sexisme ou racisme ? Air France sommée d’autoriser les tresses afro de ses stewards
Une décennie de procédure judiciaire vient de donner raison à un steward à qui son employeur avait interdit le port de tresses afro. Passage en revue des arguments invoqués.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 26 novembre 2022 Lecture : 2 minutes.
« Tresses africaines nouées en chignon » : c’est la coiffure qu’avait décidé d’arborer Aboubakar Traoré, un steward d’Air France, en 2005. La compagnie aérienne lui refusera alors d’embarquer, tant qu’il ne porterait pas une perruque pour dissimuler la coupe polémique. Elle mettra ensuite l’employé à pied, puis le déclarera « définitivement inapte » en raison d’une dépression, avant de le licencier, treize ans après le début du bras de fer, au motif qu’il avait refusé un reclassement comme personnel au sol…
Dès la médiatisation de l’affaire, c’est sous le prisme du racisme que celle-ci sera décryptée par des organisations comme la Fédération des associations africaines & créoles (FAAC) ou la Fédération Total respect – Tjembé Rèd (qui rassemble dix organisations de lutte contre le racisme, l’homophobie et le sida). De son côté, la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) ne détectera « aucun caractère d’excentricité » dans la coiffure d’Aboubakar Traoré.
Combat identitaire
Après des mois à courber l’échine, c’est en dénonçant une « discrimination et un harcèlement moral » que le steward incriminé saisira le Conseil des prud’hommes, la juridiction française compétente pour les litiges individuels entre employeurs et salariés. L’avocat du licencié réclamera des dommages et intérêts, un rappel de salaire et une déclaration de nullité du licenciement.
Pendant dix ans, les différentes juridictions – Conseil des prud’hommes, Cour d’appel de Paris et Cour de cassation – placeront le débat à différents niveaux. Les partisans du steward défendront les “locks” et assimilées comme les incarnations irréductibles d’un combat identitaire. Ce n’est pourtant pas sur l’identité afro de la coiffure que se soldera une procédure finalement favorable à Traoré…
Délit de sexisme
La Cour d’appel avait considéré des « codes sociaux en usage » qui voudraient que certaines différences d’apparence soient « admises (…) entre hommes et femmes en termes d’habillement, de coiffure, de chaussures et de maquillage ».
Air France ayant argué qu’une telle coiffure n’était « pas autorisée par le manuel (…) pour le personnel navigant commercial masculin », c’est le délit de sexisme que retiendra la Cour de cassation. Ce 23 novembre, la plus haute juridiction française a tranché : « Les exigences liées à l’exercice de la profession de steward ne justifient pas d’interdire » une telle coiffure. En l’autorisant pour les femmes mais pas pour les hommes, la compagnie aérienne a donc bien commis une « différence de traitement » discriminatoire entre différents membres de son personnel navigant.
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