Le livre de mon père, par Alain Mabanckou

Alain Mabanckou est un écrivain franco-congolais.

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  • Alain Mabanckou

    Alain Mabanckou est écrivain et professeur de littérature francophone à UCLA (États-Unis). Depuis 2016, il occupe la chaire de création artistique au Collège de France.

Publié le 17 octobre 2012 Lecture : 2 minutes.

On pourrait prendre un raccourci et présenter Jean Grégor comme le fils de Pierre Péan, le célèbre journaliste d’investigation dont les ouvrages soulèvent un tollé à chaque parution. Jean Grégor est avant tout un écrivain dont l’oeuvre s’impose de plus en plus en France. Avec son dixième ouvrage, L’Ombre en soi, il signe l’un des livres les plus remarquables de cette rentrée littéraire française dont on regrettera longtemps l’absence dans les sélections des grands prix d’automne.

Pendant son enfance, à Paris, Jean Grégor a vécu ces moments d’angoisse où le téléphone sonnait et qu’à l’autre bout du fil un anonyme proférait des menaces de mort contre son père, dont les livres dérangeaient certains : « Quand j’étais adolescent, il y eut un contrat sur la tête de mon père. Il avait écrit un livre qui s’intitulait Affaires africaines, dont l’action – si je puis dire – se déroulait au Gabon. »

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La famille vit donc dans une tension permanente. Des hommes cagoulés font irruption à la maison et emportent des documents « dans des sacs à céréales ». Une bombe explose devant le garage et impose la présence des gendarmes dans les parages pendant un mois. Le soir, lorsque le père tarde à regagner le domicile, l’angoisse plane dans la maison. Que lui est-il arrivé ? Pierre Péan est contraint de rouler à moto pour mieux semer ses ennemis. Un homme est engagé pour le liquider, mais ce contrat ne se réalisera pas et Péan entretiendra même une amitié avec celui qui aurait été son tueur.

C’est en 2008 qu’Yves Corvaisier meurt. Celui-ci était le « parrain » de Grégor, dont l’existence va être bouleversée par la disparition de cet être cher qui est à l’origine de sa vocation d’écrivain. Grégor veut écrire son « roman familial ». Au départ, Péan voit d’un mauvais oeil ce projet, puis il lui donne indirectement le feu vert. Le quadragénaire se lance alors dans une longue enquête qui le mène jusqu’en Afrique. C’est sur ce continent que son père a fait ses premiers pas. C’est là-bas que ses parents se sont connus. Pour lui, c’est presque un retour aux sources. Mais c’est aussi en Afrique que s’est retiré l’homme qui devait tuer son père, un certain Jean-Michel, qu’il veut rencontrer. Pourquoi n’avait-il pas honoré son contrat ? Jean Grégor remue son passé non pas en journaliste, mais en véritable romancier soucieux de donner à ses personnages une autonomie par rapport à l’écrivain. Ce qui nous donne ce livre éblouissant dont la fluidité de l’écriture et la maîtrise de la narration dépassent le cadre d’un simple inventaire d’une vie pleine de turbulences.

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