« Danse l’Afrique danse ! » : une biennale au féminin
Le festival « Danse, l’Afrique danse ! » s’est tenu du 28 septembre au 7 octobre à Johannesburg. Une neuvième édition contrastée.
Bonne nouvelle ! Elles sont de retour ! Contrairement à 2010, la biennale Danse, l’Afrique danse !, qui s’est tenue à Johannesburg du 28 septembre au 7 octobre, a fait la part belle aux femmes. Quasi absentes à Bamako en 2010, elles étaient davantage représentées cette année. « Nous avons été attentifs à cela, reconnaît Sophie Renaud, directrice du département Échanges et coopérations artistiques de l’Institut français (ex-CulturesFrance). Parmi les quelque 250 candidatures reçues, il y avait plus de propositions féminines que lors des précédentes éditions. Elles étaient aussi plus nombreuses à avoir intégré des compagnies. »
Le Congolais DeLaVallet Bidiefono, lui, a attribué le rôle principal à sa compatriote Ella Ganga, dans Où vers ?, une création dynamique et inventive qui rend hommage au combat quotidien que les Africaines doivent mener pour affronter une société machiste. « Le parcours d’Ella m’a inspiré, confie le chorégraphe originaire de Pointe-Noire. Son mari estimait que sa place n’était pas sur scène mais à la maison. Il lui a demandé de choisir entre lui et la danse. Elle a préféré la danse. » Charismatique, l’allure hiératique, cette remarquable interprète porte la pièce sans pour autant effacer ses partenaires.
Rapports hommes-femmes
Femmes brutalisées, corps rudoyés également chez Radhouane El Meddeb, qui, avec Ce que nous sommes, évoque la violence de la perte de son père, mais aussi celle de la société tunisienne. Cette pièce écrite en 2010 trouve un écho particulier deux ans plus tard. Les danseurs exécutent la brutalité des rapports hommes-femmes, et l’on ne peut s’empêcher de penser à cette Tunisienne violée par des policiers début septembre et accusée d’atteinte à la pudeur. Autre violence, évoquée par la métisse sud-africaine Desiré Davids (Who Is This?… Beneath My Skin) : celle héritée de l’apartheid et qui met les gens dans des cases en fonction de la couleur de leur peau.
Hélas, toutes les artistes femmes programmées n’étaient pas à la hauteur de l’événement et n’avaient pas la technique de la Sud-Africaine Teresia Mojela, l’une des deux danseuses de Wake Up, la pièce – prometteuse – en cours de création de Grégory Maqoma et Florent Mahoukou.
Pour son édition sud-africaine, dont les 600 000 euros de budget ont été financés par l’Institut français, le Soweto Theatre, Total et le National Arts Council of South Africa, la biennale itinérante a abandonné le concours qui a permis, au fil des années, de faire émerger de véritables talents comme Robyn Orlin, Salia Sanou et Seydou Boro, Nelisiwe Xaba et Kettly Noël ou encore Faustin Linyekula, devenus aujourd’hui des habitués des grandes scènes mondiales. « De plus en plus d’artistes estimaient que ce concours limitait la création », justifie Sophie Renaud.
Absence de public
Cependant, le bilan de 2012 est plutôt mitigé avec, aux côtés d’oeuvres qui tournent à l’international, comme celle de Radhouane El Meddeb, Le Cargo de Faustin Linyekula, Aaleef de Taoufiq Izeddiou, ou encore Kharbga, jeux de pouvoir de Hafiz Dhaou et Aïcha M’Barek, des pièces prétentieuses, voire narcissiques, d’autres inabouties. Mais, plus décevant, l’absence de public due en grande partie à une communication plutôt faible du côté sud-africain. « C’était ma crainte », avoue Sophie Renaud. « C’est un vrai problème, regrette un chorégraphe d’Afrique centrale. À Bamako et à Tunis en 2008, un effort important avait été fait pour que cela soit un événement populaire. La dynamique est cassée. »
Quelques bonnes surprises tout de même. Avec Point 1, 2, 3 notamment, le Sud-Africain Lucky Kele a offert dix brèves minutes très denses. De secousses en tressautements, il évoque l’emprisonnement, le handicap, la mort. Intense. Bonne chance Lucky pour la suite !
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Séverine Kodjo-Grandvaux, envoyée spéciale à Johannesburg
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