RDC : Kinshasa en ébullition
À quelques heures du sommet de l’OIF, la capitale congolaise est en ébullition. L’État a mis les bouchées doubles pour aménager les espaces publics et les principaux sites d’accueil.
RDC : Mbote changement ?
Ils sont reconnaissables à leur uniforme bleu ou vert le jour, jaune fluo la nuit. Ils touchent, dit-on, 30 dollars (23 euros) par semaine. À quoi ces hommes et ces femmes, dont la présence inhabituelle n’a pas échappé aux Kinois, passent-ils donc leur temps ? À balayer les avenues de la capitale de la République démocratique du Congo (RDC). Une méticuleuse énergie déployée essentiellement sur sa principale artère, le boulevard du 30-Juin, à La Gombe (le centre administratif et des affaires de Kinshasa), et sur le boulevard Triomphal (qui passe devant le Palais du peuple), à Lingwala, deux communes de la partie septentrionale de la ville, où sont concentrés les principaux lieux de réunion et d’accueil des délégations conviées au 14e sommet de la Francophonie (du 12 au 14 octobre).
L’enjeu est de taille. Il est loin, en effet, le temps où Kin la Belle enchantait les musiciens du continent, comme le Camerounais Francis Bebey, auteur d’un mémorable Kinshasa, et où elle incitait les chanteurs à entonner, en lingala, Kinshasa, Poto moyindo (« Kinshasa, l’Europe noire »). Les rues étaient propres, les caniveaux aussi, parce que, tous les samedis, les Zaïrois d’alors, suivant la volonté du parti unique, s’adonnaient au salongo, les travaux collectifs d’assainissement. Jusqu’au jour où tout cela s’arrêta. En même temps que sa démographie explosait, progressivement, Kin la Belle se décomposait. Et fut rebaptisée « Kin la Poubelle ».
Transformation
La capitale congolaise semble toutefois renaître de ses cendres, même si elle ne s’est pas encore séparée du schéma hérité de l’urbanisme colonial avec, d’un côté, un centre-ville réservé aux Européens et, de l’autre, une cité indigène. Jusqu’à présent, les principales transformations ont été réalisées dans la commune de La Gombe, l’ancien quartier européen. On trouve d’autres endroits désormais mieux aménagés, voire cossus, à sa périphérie, dans Ngaliema ou Limete. Mais la plupart des communes nées « spontanément » lors de l’explosion démographique attendent toujours leur entrée dans la modernité.
Ces trois dernières années, des villas, des immeubles de bureaux et de logements, des hôtels, des restaurants, des magasins et centres commerciaux sont sortis de terre, réalisés par le secteur privé. À l’heure actuelle, la mégapole congolaise compte officiellement 1 049 hôtels (excepté ceux qui ne répondent à aucune norme), soit quelque 12 470 lits, pour la plupart situés en centre-ville, mais pas exclusivement. Les établissements de trois à cinq étoiles représentent 2 % de l’ensemble. Parmi les plus anciens, citons le Memling (180 chambres) et le Grand Hôtel Kinshasa (422 chambres), qui a été repris par le britannique Lonrho. Parmi les tout récents, l’hôtel Fleuve Congo (237 chambres) a pris ses quartiers dans l’immeuble rénové de l’ex-Centre de commerce international du Zaïre (CCIZ). D’autres hôtels de 50 à 150 chambres et de moyen standing contribuent aussi à l’amélioration des conditions d’hébergement dans la capitale. C’est, par exemple, le cas du Phénix, du Royal, du Faden House, du Sultani ou encore de Chez Léon (propriété d’un Brazzavillois).
Une grande partie des efforts de l’État a porté sur l’aménagement des artères principales et des espaces publics du centre-ville. Point de départ et d’arrivée de centaines de milliers de Kinois qui viennent y travailler ou y transitent pour gagner d’autres communes, le boulevard du 30-Juin a été élargi pour rendre la circulation plus fluide, mais aussi pour améliorer la sécurité et l’image de la ville. Des feux de signalisation et des passages pour piétons ont été installés. Le cheminement étant aussi aléatoire sur les trottoirs, les autorités ont débarrassé ces derniers de tous leurs étals informels et, une première, les ont dotés de poubelles.
Si le boulevard du 30-Juin compte maintenant plusieurs voies, les Kinois regrettent la disparition des arbres qui le bordaient. Un petit espace a été aménagé place de la Gare – là même où trônait, de l’époque coloniale au début des années 1970 et avant que le gouvernement de Mobutu ne la fasse déboulonner, une statue de Léopold II, roi des Belges. Même si l’endroit n’a rien d’exceptionnel, des familles, des couples d’amoureux, des piétons fatigués viennent s’y détendre et prendre des photos.
Village de la Francophonie
Traversant plusieurs quartiers populaires de la zone orientale de Kinshasa et long d’une vingtaine de kilomètres (il va de la commune de Limete jusqu’à l’aéroport international de Ndjili, dans la commune de Nsele, à l’est), le boulevard Lumumba a lui aussi été rénové. Il s’agissait notamment de réaménager, en prévision du sommet de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), le tronçon situé entre l’échangeur de Limete et l’aéroport, en mauvais état.
Autre épicentre de la capitale, le stade des Martyrs, situé dans la commune de Kinshasa, est le plus grand du pays avec ses 80 000 places. Les autorités ont fait construire à ses abords une sorte de village de la Francophonie, avec des pavillons représentant chaque pays participant. Les Kinois ont déjà pris l’habitude de se retrouver sous les paillotes érigées pour l’occasion. Non loin de là, à Lingwala, se tient le Palais du peuple, construit par des opérateurs chinois à la fin des années 1970. Dans ce haut lieu de la capitale, siège du Parlement congolais, se dérouleront les travaux du sommet de l’OIF. Aux abords du bâtiment ont été créés de petits espaces publics, avec jets d’eau et jeux de lumière la nuit. Un endroit où les jeunes mariés, entre autres, viennent immortaliser d’heureux événements.
Les spectacles prévus pendant le sommet se dérouleront principalement au Théâtre de verdure, un espace à ciel ouvert situé sur le mont Ngaliema, dans la commune du même nom, où travaillait l’ancien président Mobutu Sese Seko. Ce théâtre de plein air de 3 500 places, qui était à l’abandon, a été restauré grâce à la coopération belge. Sur le mont Ngaliema se trouve également le Musée national, l’occasion de découvrir ou de redécouvrir la diversité et les richesses culturelles du pays. Une exposition d’art contemporain est par ailleurs prévue à l’échangeur de Limete, sur le boulevard Lumumba. Car la famille francophone, c’est aussi et avant tout l’émulation, sinon le plaisir, de faire se retrouver, se confronter et s’éprouver l’Histoire, les histoires et les cultures.
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