Harissa, raï et kalela… Le chauvinisme au menu du patrimoine de l’humanité ?
Le comité du patrimoine de l’Unesco étudie cette année l’inscription de trois candidatures africaines. Des richesses culturelles dont la paternité est parfois contestée.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 30 novembre 2022 Lecture : 2 minutes.
Sous la pression de revendications chauvinistes mais mus par une ambition d’universalité, les sélectionneurs du Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine immatériel – rattaché à l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) – se réunissent épisodiquement, sous les regards fébriles de candidats du monde entier.
Des mets, des danses ou encore des chants doivent incarner des « expressions » du monde, si possible « traditionnelles, contemporaines et vivantes à la fois », susceptibles d’être « enracinées dans des communautés » dont elles contribuent « à la cohésion sociale ». Une cohésion nationale qui n’échappe pas toujours aux jalousies internationales et autres revendications contradictoires de paternité…
Tensions géopolitiques
Depuis 2003, les membres du comité tentent de ménager la chèvre du local et le chou de l’universalité, avec le souci d’intégrer, depuis 2018, de plus en plus de formes d’expression africaines. Figurent déjà dans la liste prestigieuse le tambour royal burundais, la sortie malienne des masques et marionnettes de Markala ou encore l’art équestre marocain de la « tbourida ». Alors que la 17e session du comité du patrimoine de l’Unesco se tient actuellement à Rabat, trois candidatures africaines sont en lice pour être homologuées.
Sur le terrain musical, l’Algérie a déjà essuyé un échec, avant la nouvelle candidature du raï de cette année. Si le genre musical fut recalé, par le passé, certains pensent que c’était à cause d’une brouille avec le Maroc, qui revendiquait également la paternité de cette musique. Des prétextes dont les politiciens des deux pays n’ont guère besoin pour susciter des tensions géopolitiques récurrentes. Si la musique raï, née au début du XXe siècle et dont la popularité contemporaine n’est plus à démontrer, peut se représenter aujourd’hui, c’est justement parce que le débat sur la paternité du genre semble suspendu, sinon clos.
Appétits patriotiques
Le domaine culinaire aiguise, lui aussi, les appétits patriotiques. La Tunisie promeut aujourd’hui l’inscription de la harissa, purée de piments rouges broyés et mélangés à de l’huile d’olive, du cumin et de l’ail notamment, inventée dès le XVIe siècle. Une sauce qui, si elle était homologuée, rejoindrait le couscous d’Afrique du Nord dont elle a l’habitude de relever les saveurs.
Un couscous dont la candidature fastidieuse avait justement démontré les tiraillements chauvins sur le chemin de l’universalité. Contrairement au cas du raï, qui a vu un pays s’incliner, c’est par une candidature commune de quatre pays – Maroc, Algérie, Tunisie et Mauritanie – que la recette à semoule avait finalement atteint le graal onusien.
Pour la troisième candidature africaine de 2022, pas de dissension : la Zambie défend légitimement la danse kalela, née dans sa province de Luapula à l’époque coloniale et toujours pratiquée pendant les funérailles ou la célébration des récoltes.
L’orgueil national n’est pas la seule raison de cette quête de reconnaissance. L’inscription au patrimoine culturel immatériel de l’humanité permet d’attirer la bienveillance de l’Unesco en cas de menace. Et cette inscription n’est pratiquement jamais remise en cause. Seul le carnaval belge d’Alost a été retiré de la liste, à la suite de représentations antisémites.
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