Sénégal : avec 10 nouvelles salles, le cinéma à Dakar retrouve des couleurs
L’ouverture d’un multiplexe Pathé et de trois salles du groupe Teyliom a donné un coup de fouet au secteur cinématographique dakarois, qui en avait bien besoin.
Les 11, 12 et 13 novembre, du vendredi au dimanche, les cinémas dakarois ont explosé les compteurs avec la sortie en salle de Black Panther : Wakanda Forever, le deuxième volet d’un Marvel très attendu sur le continent. « On a vendu entre 2 000 et 2 500 places sur trois jours, avec un taux d’occupation d’environ 70 %, toutes séances confondues », se réjouit Hamidou Badji, directeur de la stratégie et du développement du groupe Teyliom.
C’était le premier week-end d’exploitation du Seanema, lancé par le groupe panafricain dirigé par l’homme d’affaires Yérim Sow : un complexe de trois salles sur 2 000 m², avec 810 places, dans l’enceinte du centre commercial Sea Plaza. « Nous sommes dans une période de blockbusters, c’était le meilleur moment pour se lancer », estime-t-il.
Projection laser sur écran géant
Un mois plus tôt, c’est le réseau des cinémas Pathé (groupe Seydoux) qui implantait un multiplexe de 5 000 m² dans le quartier Mermoz, avec sept salles (1 394 places), un écran de 21 m pour la plus grande, et une projection intégralement en laser. Le mastodonte poursuit son implantation sur le continent, lui qui a déjà ouvert trois complexes en Tunisie, et qui devrait en inaugurer deux autres, à Abidjan et à Casablanca, courant 2023.
Pour la première de Black Panther, le Pathé avait invité Baaba Mal
Pour la première de Black Panther, le Pathé avait invité le chanteur et artiste sénégalais Baaba Mal – à l’origine d’une partie de la bande originale. Le film a affiché complet du vendredi au dimanche, dans chacune des trois salles où il était diffusé, pour le grand bonheur d’une génération qui découvre la magie du cinéma dans des conditions optimales.
« Notre objectif est de faire renaître le cinéma au Sénégal », ambitionne Moustapha Samb, le directeur d’exploitation du complexe Pathé, qui entend démarcher les écoles dakaroises pour booster les séances matinales. « Globalement, depuis notre lancement, nos chiffres sont très corrects », estime Frédéric Godfroid, le directeur des opérations Afrique du réseau de cinémas Pathé.
Près de 3 000 fauteuils
Quel était le paysage cinématographique du pays avant leur arrivée ? En 2017, le CanalOlympia (groupe Vivendi, qui a implanté des cinémas dans douze pays du continent) a mis fin à une quinzaine d’années de disette en ouvrant une salle de 300 places à côté du Grand Théâtre de Dakar.
On a les talents, les producteurs, les salles, il nous manque maintenant de très bons distributeurs
Un an plus tard, le complexe Ousmane Sembène ouvrait trois salles (dont deux fonctionnelles avec 440 places) dans l’enceinte du parc Magic Land, sur la corniche dakaroise. Khadidia Djigo, responsable du CanalOlympia, voit d’un bon œil l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché. « Il n’y avait pas assez d’offre, notamment en période de grosses productions. C’est une niche dans laquelle chacun a sa place », estime-t-elle.
Période riche en blockbusters
Quid des prix ? Le Pathé et le Seanema ont respectivement coûté 16 millions d’euros et 3 millions d’euros. Les places adultes y sont vendues 5 000 F CFA (7,6 euros) contre 2 000 pour les deux autres cinémas. Le groupe Teyliom propose également un forfait premium de 15 000 F CFA dans un espace VIP. Outre le volet cinéma, les trois salles du Seanema sont conçues pour accueillir des concerts, des spectacles de danse ou des pièces de théâtre. « C’était la dernière pièce du puzzle de notre centre commercial, un espace dans lequel les familles peuvent s’épanouir », se réjouit Hamidou Badji.
Les quatre cinémas s’appuient sur deux distributeurs continentaux – Pathé BC Afrique et Les Films 26. Ils surfent actuellement sur une période riche en blockbusters : The Woman King (qui retrace l’histoire d’une unité de guerrières qui protégèrent le royaume du Dahomey au XIXe siècle en Afrique de l’Ouest), Black Panther et bientôt la superproduction Avatar, qui devrait sortir courant décembre. Autant de films à succès susceptibles de rester plusieurs mois à l’affiche.
Lancement en grande pompe
Outre ces machines à cash, les établissements dakarois entendent promouvoir le cinéma local. Pour son lancement en grande pompe, le jeudi 10 novembre, le Seanema a diffusé en avant-première le dernier film du réalisateur sénégalais Moussa Sène Absa, Xalé, les blessures de l’enfance, qui représentera le pays à la présélection des Oscars. Ce long métrage de bonne facture est également programmé au cinéma Pathé qui, avec 42 séances quotidiennes, dispose d’une force de frappe que n’ont pas ses concurrents.
« L’objectif est d’avoir au moins un film local dans notre programmation », explique Frédéric Godfroid. Question de rentabilité oblige : « On essaie de caler les sorties par rapport aux blockbusters ». Pour lui, l’équation est simple : les recettes d’exploitation vont permettre aux producteurs du cru de financer de nouveaux films.
Se pose toutefois la question de la visibilité de ces productions locales. « Les gens qui venaient voir Black Panther ont découvert la bande-annonce de Xalé, ça leur a donné envie de revenir le voir, mais ils n’en avaient pas forcément entendu parler avant », explique Moustapha Samb.
« La production locale va exploser »
« On a les talents, les producteurs, les salles, il nous manque maintenant de très bons distributeurs pour amener les films là où il faut », estime-t-il. « On a la volonté d’aider les créations africaines, mais la communication ne passe pas toujours auprès des jeunes et des cinéphiles », confirme Khadidia Djigo, responsable du CanalOlympia, qui n’aura diffusé Xalé qu’une poignée de jours, faute de pouvoir remplir sa salle.
Aujourd’hui, les salles de cinéma ont tout pour devenir une destination sexy pour la jeunesse
Moustapha Samb – qui suit attentivement les productions en cours, à l’image des films d’Angèle Diabang ou de Pape Bounama Lopy – en est toutefois persuadé : « D’ici quelques années, la production locale va exploser ». En attendant ? « On va affiner notre programmation et faire un premier point au bout de six mois d’exploitation. »
L’ancien directeur du complexe Ousmane Sembène, Kévin Aubert, se montre également optimiste quant au développement du secteur. « L’industrie du cinéma se consolide au Sénégal, de la formation à la production, la postproduction, jusqu’à, aujourd’hui, la ligne d’arrivée : les salles de cinéma – qui ont tout pour devenir une destination sexy pour la jeunesse. »
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