Algérie – Peine de mort : le débat relancé

Si Alger a décidé de ne plus appliquer la peine capitale depuis 1993, les tribunaux n’en continuent pas moins de la prononcer, relançant le débat sur le moratoire en vigueur.

Le tribunal de Blida. © FAYEZ NURELDINE/AFP

Publié le 1 décembre 2022 Lecture : 3 minutes.

La justice algérienne n’avait prononcé qu’une seule condamnation à mort en 2018, puis 4 en 2019 pour retomber à 1 en 2020, avant de remonter à 9 en 2021. Et à… 51 pour les onze premiers mois de l’année 2022.

Visiblement, malgré le moratoire en vigueur depuis 1993, les tribunaux hésitent de moins en moins à prononcer la peine capitale. Et le débat fait rage dans la société. Selon Amnesty International, ce sont en tout 1 000 personnes qui auraient été condamnées à mort en Algérie mais non exécutées.

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Pour l’année en cours, la première condamnation est tombée dès le 10 janvier, quand le tribunal militaire de Blida (à 50 km à l’ouest d’Alger) l’a prononcée à l’encontre de l’adjudant-chef Ghermit Benouira, ancien secrétaire particulier de l’ex-chef d’état-major de l’armée Gaïd Salah, décédé en janvier 2020.

Ghermit Benouira, inculpé pour « divulgation d’informations classées secret de défense, touchant aux intérêts nationaux de l’armée et de l’État » avait été extradé deux ans plus tôt par la Turquie.

49 peines capitales dans l’affaire Bensmail

Dix mois plus tard, c’est le tribunal de Dar El Beida qui condamnait par contumace le rédacteur en chef du site Algérie Part, Abdou Semmar, exilé en France depuis 2019 et farouche opposant au régime, pour « intelligence avec l’ennemi ». Le 24 novembre enfin, ce même tribunal de première instance a condamné à mort 49 personnes impliquées dans le lynchage, en 2021 en Kabylie, de Djamel Bensmail, accusé à tort de pyromanie. Ces peines devraient être commuées en prison à vie.

Parmi les crimes passibles de la peine capitale en Algérie figurent l’espionnage, certaines infractions militaires, les actes de terrorisme, la participation à des bandes armées ou à des mouvements insurrectionnels, l’incendie criminel, le meurtre aggravé, la trahison, les actes de torture et l’enlèvement.

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C’est d’ailleurs pour ce dernier crime que, le 19 février 2021, le jihadiste Abdelmalek Hamzaoui ainsi que sept autres complices jugés par contumace ont écopé de la peine capitale après le kidnapping et la décapitation, en 2014, en Algérie, du guide français de haute montagne Hervé Gourdel. La neuvième personne condamnée cette année-la est un muezzin d’une wilaya du sud algérien, Ouargla, qui avait poignardé et tranché la gorge de son épouse, enceinte de jumeaux.

Débat enflammé

Si le chiffre inhabituellement élevé des peines capitales prononcées en 2022 peut sembler tenir uniquement à l’affaire, particulièrement atroce, du meurtre collectif de Djamel Bensmail, la question de l’exécution des condamnés reste toutefois présente au sein de la société algérienne.

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Ainsi, il y a deux ans, lorsque le pays enregistrait un nombre croissant de kidnappings d’enfants, le débat s’était enflammé. « La peine de mort existe dans la loi, avait rappelé devant le Parlement l’ancien ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati, le 11 novembre 2020. Ne soyez pas surpris si elle est appliquée à l’avenir, si besoin il y a. L’Algérie n’a ratifié aucun accord international interdisant la peine capitale. »

Parmi les partisans du retour des exécutions, on compte l’Association des oulémas algériens, qui soutient la revendication des familles d’enfants enlevés et tués. Mais aussi le professeur Mustapha Khiati, président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche, qui considère que « ces crimes qui menacent la société et ébranlent ses fondements » méritent l’application de la peine de mort.

Moratoire maintenu

Pour l’heure, cependant, c’est toujours le moratoire qui prévaut. La peine capitale est prononcée, mais jamais appliquée. C’est le Haut Comité d’État, qui dirigeait le pays entre 1992 et 1994, qui avait décidé de suspendre l’application de la peine capitale après les critiques essuyées, au plan national et international, à la suite de l’exécution, en août 1993, de sept condamnés reconnus coupables de l’attentat de l’aéroport international d’Alger.

En 2008, l’Algérie a aussi été le premier pays arabe à voter à l’ONU la résolution restaurant un moratoire sur l’exécution de la peine de mort. Tout en se gardant de signer le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civiques et politiques, qui vise à l’abolir complètement.

Cette position a été réaffirmée le 17 novembre dernier par la voix de l’actuel ministre de la Justice, Abderrachid Tabi, répondant à une question concernant l’ouverture d’un débat sur le gel de la peine capitale devant le Conseil de la Nation : « Notre pays a opté pour une solution intermédiaire, à travers la décision politique de geler l’application de la peine de mort. »

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