Lucien Bembamba, ministre de l’Économie et des Finances : « Nous pensons à l’après mine »
De passage à Paris à l’occasion du sommet Afrique France, le ministre des Finances burkinabè Lucien Marie Noël Bembamba tire un premier bilan de la Scadd et annonce les grandes pistes de développement pour le futur du pays.
Jeune Afrique : Quel bilan tirez-vous de la Scadd (Stratégie de croissance accélérée et de développement durable) deux ans avant son achèvement ?
Lucien Bembamba : Quand on regarde les résultats, on constate une croissance régulière et élevée, comprise entre 7 et 9% avec un léger creux dû à la crise en 2011 où la croissance n’a été que de 5%. Cela s’est accompagné d’une amélioration de la gestion budgétaire : il y a 10 ans, notre budget était financé à 50% par nos recettes propres, une proportion qui a atteint les deux tiers en 2012. Et nous visons 70% pour 2014. Nous voulons continuer à réduire les dépenses de fonctionnement et continuer à consacrer une part importante aux investissements. Il nous fait maintenir cette gestion rigoureuse.
La particularité de la Scadd, c’est qu’elle consiste à réduire la pauvreté en agissant sur deux leviers : permettre l’accès aux services de base tout en encourageant les activités productives dans un contexte de croissance démographique très élevé. Nous avons plusieurs secteurs prioritaires. Le premier d’entre eux est l’agriculture : 75% de la population vit en milieu rural et nous voulons garantir la sécurité alimentaire tout en créant des emplois et des revenus pour les plus pauvres au moyen d’une agriculture moderne. C’est pourquoi nous avons développé plusieurs pôles de croissance autour de zones prioritaires. C’est notamment le cas à Bagré.
À propos du pôle de Bagré, où en êtes vous du processus d’attribution du foncier ?
700 investisseurs ont soumissionné avec des demandes en terres nettement supérieures aux surfaces disponibles. Le but de ce pôle, c’est à la fois d’encourager les exportations et de créer un surplus. Nous voulons aussi promouvoir certaines filières, notamment la culture vivrière. L’État a dépensé 30 milliards de francs CFA pour aménager le pôle et en 2014, nous assisterons à l’accélération du processus de développement.
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Vous avez d’autres zones en vue ?
Oui, le succès de Bagré nous a incité à procéder à des aménagements dans deux autres localités. Il s’agit de Samandéni et de Sourou. Nous voulons créer les mêmes conditions de manière que ceux qui n’ont pas été retenus à Bagré puissent y aller. Le processus est prévu pour la fin 2014.
Avez-vous prévu de développer les activités de transformation ?
Nous souhaitons encourager la transformation mais aussi développer des activités comme l’élevage et la pisciculture. Nous envisageons aussi d’implanter des centre éco-touristiques et des centres de recherche afin d’accroître les rendements. Nous sommes également en discussion avec des investisseurs étrangers qui fabriquent des équipements de transformation pour les inciter à s’installer sur place. Il s’agirait d’un système intégré. C’est un modèle sur lequel nous fondons beaucoup d’espoirs.
Les mines représentent une activité nouvelle et lucrative pour le Burkina Faso. Comment pérenniser leur richesse ?
Le secteur minier représente 20% du PIB ; c’est un secteur nouveau en pleine croissance. Alors que nous produisions une tonne d’or en 2007, nous produisons maintenant 40 tonnes. Et nous avons aussi un potentiel dans le manganèse et le zinc. Mais comme vous le savez, cela rapporte beaucoup sur le moment, mais les mines ont une durée de vie limitée. Nous pensons déjà à l’après mine. Nous voulons faire en sorte de constituer des pôles miniers en créant des infrastructures, en favorisant l’émergence de fournisseurs locaux. Nous voulons aussi plus d’harmonie entre les miniers et les populations locales.
Il ne faut pas baser tous nos besoins sur les recettes minières.
Ensuite, il ne faut pas baser tous nos besoins sur les recettes minières. Nous voulons les affecter à des investissements pérennes comme les infrastructures et non pas à nos dépenses de fonctionnement. Cela pose aussi la question de la transparence. Nous avons adhéré à l’Itie et sommes conformes depuis cette année.
Le secteur tertiaire pèse 50% du PIB. Quelles sont les pistes de développement ?
Dans le domaine des télécoms, nous devons encore assurer l’interconnexion de la fibre optique sur l’ensemble du territoire. Nous sommes également en train de relancer le processus pour l’attribution de la quatrième licence.
Mais nous avons également des projets ambitieux pour le secteur culturel en nous appuyant sur deux événements célèbres : le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) et le Siao, le Salon international de l’artisanat à Ouagadougou. C’est une autre façon de développer le tourisme. Nous reste à résoudre le problème de l’offre hôtelière.
Enfin, le secteur financier représente le troisième axe que nous voulons favoriser ; nous voulons notamment pousser l’usage de la téléphonie mobile pour que la bancarisation soit étendue à l’ensemble du territoire. Nous voulons également appuyer le développement de la microfinance et nous mettons actuellement au point une stratégie pour promouvoir ce secteur, notamment une meilleure régulation.
Que faites vous pour améliorer le climat des affaires ?
Nous voulons mobiliser le secteur privé. Pour qu’il nous accompagne, il faut effectivement améliorer le climat des affaires. Nous avons notamment mis en place un régime fiscal douanier plus favorable. Nous avons aussi monté une agence de promotion des investissements qui constitue une porte d’entrée unique et comporte une dimension de conseil pour tous ceux qui veulent venir au Burkina Faso.
Nous avons également pour ambition d’accélérer la construction d’universités.
Vous venez d’emprunter 185 millions d’euros sur les marchés. À quoi sera employé cette somme ?
Nous voulons principalement investir dans les infrastructures. Plusieurs projets avancent de front. Nous sommes en phase d’étude de faisabilité pour l’autoroute Ouagadougou – Yamoussoukro. Mais il faut aussi développer un réseau de pistes circulables en interne pour écouler la production agricole. Côté rail, l’axe Abidjan – Ouagadougou a connu beaucoup de problèmes, mais des études pour la boucle du Niger sont en cours. Il s’agit de réhabiliter la ligne existante et de prolonger jusqu’à Niamey en passant par les mines de manganèse. Nous avons également pour ambition d’accélérer la construction d’universités ailleurs qu’à Ouagadougou.
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