Henry Miller et Paris, un amour fou
Dans « Henry Miller, un rêve parisien », notre collaborateur François-Xavier Freland revient sur la décennie où l’auteur de « Tropique du Cancer » a vécu dans la ville lumière, passant d’Américain inconnu à écrivain célèbre et inclassable.
Henry Miller a 38 ans lorsqu’il quitte New-York, le consumérisme et le puritanisme américain, mais aussi l’emprise de sa muse et deuxième épouse, la très (trop ?) libre June. Depuis quelques années déjà, il écrit, mais n’a jamais été publié. Il veut vivre son rêve de bohème à Paris, la ville des artistes et des années folles. Un rêve inspiré, aussi, par le poème Orgie parisienne ou Paris se repeuple, d’Arthur Rimbaud – un auteur qui le fascine.
C’est donc un Américain inconnu qui, en mars 1930, avec quelques dollars en poche, débarque dans la capitale française, où il s’installe jusqu’en 1939. Et c’est sur ses traces que nous embarque le journaliste et écrivain François-Xavier Freland dans son court essai (180 pages). Car ce « rêve parisien » n’est pas une biographie, c’est un portrait, rythmé d’extraits de livres et de correspondances, comme une voix off sur un film, retissant le fil du long séjour de Miller dans le Paris exalté dont il était amoureux.
La seconde partie de l’essai – intitulée « Loin de Paris et si près (1939-1980) » –, suit les allers-retours que l’écrivain fera ensuite avec sa ville lumière, depuis la Grèce ou les États-Unis. Avec toujours, en filigrane, une réflexion sur la personnalité de Miller et sur la création.
Indéfectibles amitiés avec Nin, Cendrars, Brassaï…
Après la frustration américaine, Paris, c’est la naissance de l’écrivain et l’épanouissement de l’intellectuel provocateur, « écolo avant l’heure ». On le suit de Clichy à la villa Seurat, au cœur du 14e arrondissement, de l’épicerie de quartier aux salons de quelques maisons closes, et, surtout, à la terrasse du Dôme ou du Zeyer. On le sent s’enivrer de la ville et de la Belle Époque finissante, se couler dans la bouillonnante vie intellectuelle et charnelle de la rive gauche, y croquer à pleines dents « pour amasser des matériaux ».
Il croise Louis-Ferdinand Céline, les surréalistes (Breton, Duchamp…) et, surtout, lie de solides amitiés avec Anaïs Nin – son pygmalion et binôme d’écriture –, avec Alfred Perlès, Lawrence Durrell, Blaise Cendrars, sans oublier le photographe Brassaï – qui lui consacrera deux ouvrages, Henry Miller, grandeur nature (Gallimard, 1975) et Henry Miller, rocher heureux (surnom que Miller se donnait à lui-même ; Gallimard, 1997), retraçant leur amitié, de leur rencontre à Paris en 1930, jusqu’au début des années 1970.
Une marque indélébile
De Tropique du Cancer, son premier livre, publié en 1934 et traduit en français en 1945, à L’Œil du cosmos, paru en 1939, Henry Miller publiera sept romans et recueils de nouvelles au cours de ses années parisiennes, en particulier Printemps noir (1936), des histoires courtes et très sombres, « le meilleur de tout ce que j’ai écrit pendant cette période […] Un livre qui, je crois, s’est approché de moi-même plus que n’importe quel livre que j’ai écrit avant ou depuis », confiera plus tard l’Américain. Ce Paris qui a fait et qui a vu s’épanouir l’homme et l’écrivain marquera toute son œuvre, comme l’illustrent Jours tranquilles à Clichy (1956) et La Crucifixion en rose, sa célèbre et audacieuse trilogie (Sexus, Plexus et Nexus), que le romancier publiera de 1949 à 1959.
On le comprend mieux à travers ce portrait en forme de « rêve parisien » que lui consacre François-Xavier Freland. Observateur attentif, jouisseur extraordinairement vivant, impertinent ultrasensible… « Miller is back » !
Henri Miller, un rêve parisien, Éditions Magellan & Cie, collection « Je est ailleurs », octobre 2022, 180 pages, 15 euros.
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