Belgique-Congo : annulation d’une vente aux enchères de crânes
Des restes de peuples colonisés qualifiés de « beaux objets » dans le catalogue d’une vente aux enchères belge. Il n’en fallait pas plus pour soulever un tollé et finalement, annuler la vente.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 3 décembre 2022 Lecture : 2 minutes.
Si les fake news ont l’air si souvent réalistes, c’est que les vraies informations paraissent parfois ahurissantes. Il y a quelques jours, l’hôtel de ventes bruxellois Vanderkindere et le site Drouot.com autoproclamé « leader dans la vente aux enchères de beaux objets » proposaient le lot numéro 405 : « Un crâne de Bangala anthropophage aux incisives taillées en pointes, un crâne du chef arabe Munie Mohara tué par le sergent Cassart à Augoï le 9 janvier 1893 et décoré d’un bijou frontal, et un fragment de crâne collecté au “Figuier de la mort” dans le village de Bombia dans la province de la Mongala par le docteur Louis Laurent le 5 mai 1894 ». Mise à pris : entre 750 et 1000 euros.
Sans sourciller, les spécialistes belges des ventes mondaines venaient de qualifier des ossements humains de « beaux objets ». Des restes de peuples colonisés par l’un des plus cruels monarques qu’engendra l’Europe et que croisa l’Afrique. Une mise en vente macabre dans une période où la tendance est plutôt aux restitutions contrites de pièces de musée spoliées au continent africain…
Polémique prévisible
Le tollé ne s’est pas fait attendre. Rapidement, les plus intellectuelles des réactions soulèvent placidement la question de la monétisation de restes humains, au-delà des origines de ceux-ci ou des conditions de leur “acquisition”. Plus incisives, des associations spécialisées dans les bilans post-coloniaux hurlent à un évident « recel de cadavres » lié à un passé colonial qui n’aurait de « passé » que le nom. Le collectif Mémoire coloniale et lutte contre les discriminations, par exemple, présente ce projet de vente comme une façon « scandaleuse » de tuer « ces victimes de la colonisation une deuxième fois »…
Tout ceci n’était-il pas prévisible ? La restitution par la France, en juin dernier, de 24 crânes algériens, avait démontré le caractère sensible de telles manipulations, sans besoin de souligner que la marchandisation ajouterait encore à l’ignominie.
Légalité
À propos des crânes du Congo mis en vente en Belgique, des menaces de plaintes ont fusé et l’hôtel des ventes a annulé l’opération, en présentant ses « profonds regrets envers toute personne ayant été meurtrie et blessée par la mise en vente de ce lot ». Quant au commissaire-priseur Serge Hutry, il a annoncé que Vanderkindere avait racheté le lot en vue de le restituer à la République démocratique du Congo. Non sans avoir revendiqué préalablement « la légalité du projet de vente » initial et le caractère purement privé de la transaction envisagée. Une position soutenue par les experts de la Chambre des Antiquaires…
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