Algérie : le RCD empêché de tenir son conseil national
Le parti d’opposition n’a pas reçu d’autorisation administrative pour tenir son conseil national. Une interdiction déguisée qui vient s’ajouter à une longue série de procédures judiciaires visant le RCD depuis qu’il a exprimé son soutien au Hirak.
La multiplication des procédures administratives et judiciaires engagées contre le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), un parti politique d’opposition, semble indiquer qu’il est dans le viseur des autorités.
Dernière en date : la wilaya d’Alger s’est abstenue de répondre à sa demande d’autorisation pour la tenue de son conseil national, vendredi 2 décembre, dans la salle Nadi-El-Moudjahid. Aucun motif n’a été avancé par ses services. Finalement, le RCD a tenu sa réunion, qui a abordé des questions organiques et la situation politique du pays, dans la cour de son siège, sur les hauteurs d’Alger, à El Biar.
« L’administration n’a pas daigné répondre à notre demande d’autorisation ni par un refus ni par une acceptation. Le pouvoir et son administration veulent soumettre tout un peuple et un pays pour faire passer leur feuille de route. Le RCD, qui est né dans clandestinité, continuera son combat dans la résistance. Il ne servira pas d’alibi à une façade démocratique », a réagi son président Atmane Mazouz.
Université d’été annulée
Deux jours plutôt, le président du RCD avait exprimé son inquiétude devant la délégation du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme dirigée par Mohamed Alnsour, chef de section Moyen-Orient et Afrique du Nord, qui séjourne actuellement en Algérie, sur « les atteintes aux droits humains, à la liberté d’expression, d’opinion et d’association et les multiples attaques que subit sa formation politique ».
Faute d’autorisation, cette formation politique de l’opposition n’a pas pu non plus organiser son université d’été, prévue du 20 au 22 octobre dernier à Azzefoun, localité de la wilaya de Tizi Ouzou. Un premier refus lui avait été notifié par l’administration pour les dates du 13 au 15 octobre, justifié par « la tenue des élections partielles ».
Une action judiciaire, sans suite jusqu’à présent, a été engagée par le parti devant le tribunal administratif de la même wilaya pour faire annuler la décision de rejet. « L’interdiction de la tenue de l’université d’été nous dicte de nous déployer pour impulser le parti dans une conjoncture dangereuse et de quasi fermeture de l’espace public », confie à Jeune Afrique un militant du RCD.
Les cadres dirigeants du RCD font face, en outre, à de nombreuses pressions judiciaires. Élu à la tête du parti en juin 2022, Atmane Mazouz est lui-même sous le coup de poursuites judiciaires en raison de ses activités politiques.
Il a été condamné par la cour de Béjaia à une amende de 50 000 dinars (environ 300 euros) et à une réparation équivalente à un agent du Trésor public pour outrage à corps constitué pour avoir dénoncé en tant que député au moment des faits la répression qui s’est abattue sur les manifestants du Hirak lors du 44e vendredi, à Oran, en décembre 2019.
En mai 2021, il a été également auditionné pendant deux heures par le juge d’instruction près le tribunal de Sidi-Aïch (wilaya de Béjaia) à propos de ses déclarations et de ses publications sur les réseaux sociaux, considérées par la justice comme une « incitation à l’attroupement » et un « outrage à corps constitué et atteinte à la personne du président de la République ».
Son prédécesseur, Mohcine Belabbas, qui avait été propulsé en 2012 à la tête du parti par son premier leader, Said Sadi, avant d’être plébiscité cinq ans plus tard pour un deuxième mandat, est lui aussi inquiété par la justice.
Il a été placé sous contrôle judiciaire par le juge d’instruction près le tribunal de Hussein Dey (Alger) dans le cadre de l’affaire du décès d’un ressortissant marocain qui effectuait des travaux à son domicile. Mohcine Belabbas a vu son immunité parlementaire levée en décembre 2020 à la demande du ministère de l’Intérieur.
Menaces de suspension temporaire
Avant cela, le 23 juin 2020, la pression avait commencé à s’accentuer sur le parti. Ce jour-là, le ministère de l’Intérieur avait saisi la direction du RCD, lui reprochant de mener des activités anti-statutaires, à savoir prêter ses locaux à des organisations non-agréées. L’Intérieur exigeait que ces réunions soient soumises à des autorisations préalables, octroyées par ses services.
Le 6 janvier 2022, le RCD a reçu le même avertissement pour avoir abrité dans ses locaux, le 24 décembre, une réunion des militants et des membres de la société civile qui ont créé, dans l’enceinte du siège du parti, un Front contre la répression et pour les libertés.
Dans sa notification, le ministère de l’Intérieur menaçait d’appliquer les mesures prévues par l’article 66 de la loi organique relative aux partis politiques. En l’occurrence, une suspension temporaire pouvant conduire à la dissolution du parti.
Né de l’expérience de l’ouverture démocratique de 1989 imposée par les émeutes d’octobre 1988, le parti dirigé jusqu’en 2012 par Said Sadi milite pour la laïcité, ainsi que pour l’égalité hommes-femmes et l’instauration d’un État décentralisé. L’une de ses priorités actuelles reste toutefois « de se restructurer et de se rassembler » après de multiples démissions dans ses rangs.
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