Sénégal : Harouna Dia, un ami dans l’ombre de Macky Sall
Principal bailleur de fonds du parti et de la campagne du président sénégalais Macky Sall, l’homme d’affaires Harouna Dia préfère éviter la lumière. Il est pourtant de plus en plus visible.
Macky Sall peut-il changer le Sénégal ?
Avant l’élection de Macky Sall, personne ou presque au Sénégal ne connaissait Harouna Dia. Si la générosité qu’on lui prête avait fait sa renommée dans le Fouta profond – la région peuplée de pasteurs et de cultivateurs qui l’a vu naître il y a cinquante-sept ans -, et si son compagnonnage avec le patron de l’Alliance pour la République (APR) était un secret de polichinelle dans les états-majors des partis, le nom de ce milliardaire exilé depuis vingt-cinq ans, qui a fait fortune en vendant du poisson aux Burkinabè, ne signifiait pas grand-chose pour la plupart des Sénégalais. Aujourd’hui, son portrait fait régulièrement la une des journaux nationaux.
Il serait le « vice-président » officieux, « l’homme fort du système », « celui qui souffle à l’oreille de Macky ». C’est exagéré. Certes, « les deux hommes s’entendent très bien, confie un conseiller du président, et Harouna Dia est l’une des seules personnes à pouvoir s’inviter à tout moment dans le bureau de Macky ». Mais, comme le rappelle un proche du chef de l’État, dans le système (très cloisonné) mis en place par le nouveau président, « personne n’est indispensable, et chacun de ses collaborateurs est tenu de rester à sa place ».
Tirelire
Justement, Harouna Dia, qui n’a été nommé à aucun poste (il n’en réclamait pas et a refusé le ministère de l’Agriculture que lui offrait Sall) – contrairement à tous ceux qui ont joué un rôle majeur pendant la campagne électorale -, occupe une place particulière. « Macky lui voue un grand respect, explique un proche. Pas seulement pour ce qu’il a fait pour lui, mais aussi pour ce qu’il représente. » L’homme d’affaires est en effet le financier de l’APR depuis sa création, en décembre 2008. Sans son argent, sans ses 4×4, sans son influence auprès de la diaspora, le parti n’aurait jamais pu s’implanter si rapidement dans l’ensemble du pays et Sall rivaliser avec Abdoulaye Wade. Mais Dia représente bien plus qu’une tirelire pour le nouveau président. « Il l’inspire beaucoup », indique un ami commun aux deux hommes.
Il partage la même langue, les mêmes valeurs, la même réserve.
Leur compagnonnage est récent. C’est Wade qui les a fait se rencontrer. Nous sommes en 2007. Macky Sall dirige la campagne électorale de Gorgui (« le vieux » en wolof) et Dia est chargé par le parti libéral de mobiliser la communauté sénégalaise au Burkina Faso, où il s’est installé en 1986 et où il a fait fortune (son entreprise est leader sur les principaux marchés du poisson congelé dans la sous-région). « On a très vite accroché », explique Dia. Les deux hommes partagent la même langue (le pulaar), les mêmes valeurs, la même réserve, la même simplicité. Avec eux, pas un mot plus haut que l’autre, pas d’éruption de colère, pas d’ostentation. Dia a beau être l’un des Sénégalais les plus riches de la planète, il continue de porter des chemises trop grandes pour lui et des pantalons bon marché. « Seul le désir de voir mon pays enfin se développer me guide », dit-il.
Omniprésent
Ingénieur en hydraulique de formation, Dia a d’abord fait ses armes dans la fonction publique, puis dans l’humanitaire en Casamance, au Tchad et au Burkina, avant de lancer sa propre affaire. Exilé volontaire à Ouagadougou depuis vingt-cinq ans, il aurait pu rester à l’écart de la vie de son pays, « mais il a toujours voulu agir », résume un proche. « Si tu es riche alors que neuf de tes parents sont pauvres, ça ne sert à rien », a-t-il coutume de dire.
Celui qui se définit comme « un homme du privé », « une sentinelle », et aimerait rester « une force invisible », s’y prend en revanche assez mal pour rester dans l’ombre. Il est omniprésent. Si on ne le voit plus guère à Ouaga, on le croise en revanche à Dakar, plus précisément dans une suite de l’hôtel Radisson Blu, sur la corniche, où il a installé son bureau. Il y reçoit beaucoup. Des ministres, des hommes d’affaires, des investisseurs étrangers… « Pourquoi ? À quel titre ? On l’ignore », déplore un ministre. Même à l’APR, où l’on sait ce qu’on lui doit, cette influence irrite. « Il en fait trop ! » estime un conseiller de Sall, qui l’accuse de « placer ses hommes », à commencer par son frère, Daouda Dia, qui a été nommé au poste symbolique de premier questeur de l’Assemblée nationale.
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