France – Tunisie : Sonia Dahou, du jasmin en banlieue

À 38 ans, elle reprend les rênes de la mairie des Ulis (France). Membre du Parti socialiste, cette Franco-Tunisienne est réputée proche des gens.

Grâce au non-cumul des mandats, cette jeune engagée en politique a été désignée maire des Ulis © Youri Lenquette, pour J.A.

Grâce au non-cumul des mandats, cette jeune engagée en politique a été désignée maire des Ulis © Youri Lenquette, pour J.A.

Publié le 28 septembre 2012 Lecture : 4 minutes.

Sonia Dahou a un visage rieur, le regard franc, des cheveux de jais qui s’accordent à son tailleur-pantalon noir. Elle semble quelque peu hésitante dans son vaste bureau de maire. Mais dès qu’elle évoque son parcours politique, elle s’anime, enthousiaste. Il y a deux mois, elle a repris, sous les couleurs du Parti socialiste (PS), les rênes de la mairie des Ulis, une commune de 25 000 habitants nichée dans l’Essonne (France) ancrée à gauche depuis sa création, en 1977. Un changement un peu soudain pour cette adjointe à la démocratie locale, à l’information et à la communication en poste depuis 2008. Lors de la campagne législative, Maud Olivier (PS), son prédécesseur et mentor, avait promis de ne pas cumuler ses mandats si elle était élue députée. C’est elle qui a suggéré Sonia Dahou – choix confirmé par le conseil municipal du 9 juillet – pour lui succéder. Non sans surprise, selon l’élu UMP Franck Del Boccio, qui affirme que le nom du socialiste Yves Faure était parmi les plus cités. « Vu son engagement en faveur de la parité, il n’est pas étonnant que Maud Olivier ait finalement choisi une femme. Et puis Sonia est très appréciée pour son engagement local », explique-t-il. Cette dernière raconte comment, après sa désignation, les réseaux sociaux ont explosé, en particulier en Tunisie.

Car Sonia Dahou est fière de sa culture arabe. Mais ne se revendique pas pour autant comme une élue de la diversité. Elle refuse cette étiquette, se sentant plus française que tunisienne, après vingt ans passés dans l’Hexagone. Les Ulis, elle y débarque en 1992, « un peu par hasard », mais surtout pour des raisons économiques, alors qu’elle cherche à se loger en résidence universitaire pour étudier les mathématiques et la physique à la faculté d’Orsay. Une fois diplômée, elle trouve un logement social – dont le quota est de 50 % aux Ulis. Son père puis sa mère la rejoignent bientôt pour se rapprocher de leurs enfants vivant en France.

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Alors qu’elle est cadre à la Direction générale des finances publiques depuis plusieurs années, Sonia Dahou décide, il y a douze ans, de s’engager en politique. Le PS s’impose comme une évidence. « C’était une réaction à toutes les inégalités sociales que j’avais vues et vécues dans ma commune, explique-t-elle. J’avais fait partie de ceux qui peinaient à boucler leurs fins de mois, qui accumulaient les petits boulots pour pouvoir s’acheter des livres ou payer une chambre. » Étudiante, elle donnait des cours de soutien scolaire. Aujourd’hui, elle revoit ses anciens élèves, et en a même marié certains.

En Tunisie, « ce que je vois en ce moment me désole. Je pense que la transition va être longue et difficile ».

Sa volonté de répondre aux attentes de ses concitoyens n’a jamais faibli. Conseils de quartier, instances participatives, consultations des Ulissiens… « Ma passion, c’est les gens », affirme l’élue de 38 ans qui s’investit également au sein de la Ligue des droits de l’homme.

Ce souci de l’autre, elle l’a hérité de ses parents, aujourd’hui décédés, dont la maison à Tunis ne désemplissait jamais, peuplée d’amis de tous horizons. Elle y a appris « la tolérance et l’amour des autres ». Une enfance heureuse et ensoleillée, aux côtés d’un père fonctionnaire au consulat de France, et d’une mère au foyer. Après l’école maternelle française, le lycée Pierre-Mendès-France de Tunis, et un bac décroché à 17 ans, faire des études à Paris était logique.

Elle retourne au moins une fois par an en Tunisie. Cette année, elle redoute ce qu’elle va y trouver. Depuis l’arrivée des islamistes sur la scène politique, son pays a changé. « Ce que je vois en ce moment me désole. Je pense que la transition va être longue et difficile », affirme la jeune femme, soudain grave. L’année dernière, elle a suivi avec enthousiasme la révolution du Jasmin grâce aux coups de fil des amis… Elle a même envisagé de rentrer. « Je voulais participer à cet espoir démocratique. Et en même temps, j’avais mon engagement ici. C’est important pour moi de rester, je porte désormais une responsabilité en tant que maire. »

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Son mandat ne lui laissera probablement pas de répit. Surtout, elle veut réussir à concilier politique et vie familiale et s’est, pour cela, mise en disponibilité de son poste aux finances publiques. Elle souhaite se consacrer à ses deux jeunes enfants, à qui elle veut transmettre sa culture. Elle initie le plus petit à l’arabe.

Les municipales de 2014 ? Elle y pense « un peu ». Ce sera le véritable test, celui du suffrage universel. Elle disposera cependant de peu d’expérience pour défendre son bilan. Gravir les échelons de sa formation politique ? Elle n’écarte pas l’idée. Mais sa priorité, insiste-t-elle, est de réaliser le projet entamé avec son prédécesseur. « Je crains de ne pas avoir assez de temps pour y arriver », dit-elle.

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