Une feuille de route pour le Premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal
La réhabilitation et la mobilisation de tous les services publics pour répondre aux attentes et aux préoccupations du citoyen sont au coeur des priorités – très techniques – du nouveau gouvernement algérien.
Quelques heures après sa nomination, le 3 septembre, au poste de Premier ministre, Abdelmalek Sellal a eu ce propos énigmatique : « Nous allons nettoyer le pays. » Karcher à la mode Sarkozy ? Chasse aux sorcières ? Énième opération mains propres ? Ces interrogations ont été très vite balayées, sans mauvais jeu de mots, puisqu’il s’agissait en réalité de lancer une vaste opération de nettoyage des villes et des villages, de la capitale au pays profond. Les bennes à ordures sont de sortie. Les employés des services municipaux sont mobilisés pour l’assainissement de la voirie, l’entretien des espaces verts et la libération des trottoirs occupés, au détriment des piétons, par le commerce illicite. Bref, un pays en ablution. Démagogie populiste ? « Pas du tout, rétorque un collaborateur du nouveau Premier ministre, il ne s’agit pas d’une opération ponctuelle mais d’un redéploiement de l’État dans un domaine laissé en friche depuis plusieurs années. »
Le Conseil des ministres présidé le 17 septembre par Abdelaziz Bouteflika le confirme : parmi les priorités du nouveau gouvernement figurent « la réhabilitation et la mobilisation de tous les services publics pour répondre aux attentes et préoccupations du citoyen ». Abdelmalek Sellal a donc reçu pour instruction d’inscrire son action dans le sens d’une écoute permanente de la population avec pour objectif l’amélioration du cadre de vie général. Pour Abdelaziz Bouteflika, l’exécutif devra désormais apporter « des réponses appropriées quant à l’accès à un service public de qualité ».
État de droit
Il ne faut pas croire, cependant, qu’Abdelmalek Sellal, 62 ans, aura pour seule vocation de récurer la maison Algérie. La feuille de route de son gouvernement ne se réduit pas au lavage à grande eau des quartiers et des cités-dortoirs. Au cours des dix-sept mois qui nous séparent de la prochaine présidentielle et qui constituent la durée de vie de son équipe, le Premier ministre aura quatre priorités : poursuivre l’amélioration du cadre de vie pour renforcer l’État de droit, consolider la sphère économique et financière, promouvoir le développement humain et accentuer la moralisation de la vie publique. Rien de bien original par rapport au programme du gouvernement sortant. Mais le communiqué du Conseil des ministres qui dévoile cette feuille de route confirme que les tâches politiques dévolues à l’exécutif sont du domaine exclusif d’El-Mouradia, siège du palais présidentiel. Nulle référence au projet de la nouvelle Constitution, ni au programme de réformes politiques engagées depuis avril 2011, effet collatéral du Printemps arabe. Et si l’organisation du prochain scrutin municipal, prévu le 29 novembre, et de la présidentielle de 2014 relève de la compétence du gouvernement, le plan d’action d’Abdelmalek Sellal n’en fait pas mention.
En revanche, le Premier ministre devra prendre en charge la mise en oeuvre de la réforme du code des hydrocarbures. Objectif : maintenir l’attractivité de l’Algérie en matière d’investissements énergétiques, notamment dans l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels (gaz et huile de schiste). Au nombre des mesures incitatives envisagées, la baisse de la fiscalité pétrolière ne concernera pas les gisements en cours d’exploitation mais l’exploration et l’exploitation dans des zones peu prospectées (dans le nord du pays et en offshore) et qui nécessitent de nouvelles technologies dont ne dispose pas le groupe public pétrolier Sonatrach.
Contenir l’inflation
Le projet de loi de finances 2013 dévoile la politique budgétaire de l’équipe Sellal. Si l’enveloppe publique prévisionnelle est de l’ordre de 6 737 milliards de dinars (près de 65 milliards d’euros), près des trois quarts sont consacrés aux seules dépenses de fonctionnement. « C’est le résultat des fortes augmentations salariales accordées à la fonction publique et au secteur productif de l’État », explique Karim Djoudi, ministre des Finances. Résultat : les autorisations de programmes et les dépenses d’équipement s’élèvent à 1 600 milliards de dinars à peine (15 milliards d’euros). Autre tâche technique confiée à Abdelmalek Sellal : contenir l’inflation (7 % au cours des neuf premiers mois de 2012), qui ruine les efforts financiers consentis pour améliorer les revenus des ménages.
C’est donc cette feuille de route qu’a soumis, le 25 septembre, Abdelmalek Sellal à la représentation nationale. Le débat avec les députés a duré une semaine, à l’issue de laquelle l’hémicycle a voté, le 2 octobre, l’adoption du plan d’action du gouvernement. La configuration de l’Assemblée populaire nationale (APN, chambre basse du Parlement) ne laissait aucune place au doute : Abdelmalek Sellal était assuré d’obtenir l’assentiment des députés.
Changement d’ambiance
Contrairement à son prédécesseur, jugé trop martial et psychorigide, Abdelmalek Sellal est réputé pour sa jovialité et sa bonhomie. « L’humour et la gouaillerie font partie de son mode de fonctionnement, affirme l’un de ses collaborateurs, sans que cela entame l’autorité que dégage son imposante silhouette [1,90 m, NDLR]. » Le résultat ne s’est pas fait attendre : l’ambiance de travail s’est nettement détendue au palais du gouvernement. Habitués au ton sec et péremptoire d’Ahmed Ouyahia, les nombreux ministres reconduits sont les premiers à apprécier ce changement. CH.O.
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