Israël : Uzi Arad, l’homme qui voulait bombarder l’Iran

Conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre, Uzi Arad n’a qu’une obsession : bombarder l’Iran pour l’empêcher de contester la suprématie militaire de l’État hébreu.

Uzi Arad (à droite) au côté de Michael Oren, ambassadeur d’Israël à Washington. © Chip Somodevilla/AFP

Uzi Arad (à droite) au côté de Michael Oren, ambassadeur d’Israël à Washington. © Chip Somodevilla/AFP

Publié le 2 octobre 2012 Lecture : 5 minutes.

Mis à jour le 04/10/2012.

Pour cerner les préoccupations sécuritaires et les ambitions d’Israël, il suffit de savoir ce qui se trame dans la tête d’Uzi Arad, conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre, Benyamin Netanyahou. Vétéran du Mossad, où il a passé vingt ans, Arad a l’oreille du chef du gouvernement, occupe un bureau à deux pas du sien et s’est imposé dans la compétition entre chefs des services de défense, de sécurité et de renseignements. Arad est le superfaucon de l’État hébreu. Certains l’ont même surnommé le Docteur Folamour israélien.

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Rectificatif

Contrairement à ce qui est indiqué dans cet article, Uzi Arad n’occupe plus de fonctions officielles dans le cabinet de Benyamin Netanyahou, lequel continue cependant de le consulter de manière informelle, notamment à propos de l’Iran. Uzi Arad serait ainsi à l’origine du concept de « ligne rouge » formulé par le Premier ministre israélien devant l’ONU, le 27 septembre.

Son objectif principal est de mettre un terme définitif à l’ambition iranienne de fabriquer une bombe nucléaire, ou simplement d’en acquérir les moyens. Il ne croit pas en l’efficacité de « sanctions paralysantes » et déplore que les Occidentaux ne soient pas plus résolus à stopper l’Iran dans sa course à l’armement nucléaire. Il reste convaincu, malgré quelques preuves du contraire, que l’Iran est déterminé à devenir une puissance nucléaire.

Paranoïa

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Uzi Arad veut que Washington et ses alliés occidentaux fassent comprendre à la République islamique qu’il y aura une attaque militaire si elle n’abandonne pas toute activité d’enrichissement d’uranium et de production de plutonium. Pour lui, une attaque préventive serait parfaitement légitime : il faut arrêter l’Iran avant qu’il ne soit trop tard. À l’heure où Netanyahou ne manque pas une occasion de diaboliser la République islamique, « grande menace pour la paix mondiale » et « premier soutien au terrorisme international », on peut prédire, sans trop de risques de se tromper, que son prochain discours à la 67e session de l’assemblée générale de l’ONU, ce mois-ci, se résumera à une diatribe anti-iranienne.

Quelles sont les racines de l’animosité israélienne à l’égard de l’Iran ? Sans doute y a-t-il là une part de paranoïa. Ayant enduré le génocide nazi, les Juifs sont déterminés à ne pas laisser planer la moindre menace d’un autre Holocauste. « Plus jamais ça ! », tel est leur leitmotiv. Et Arad d’évoquer les « épithètes génocidaires qui émaillent les déclarations iraniennes ». Mais il y a également des signes d’hubris, d’orgueil démesuré, dans l’attitude d’Israël. Cet État s’est doté d’un puissant arsenal nucléaire – cent à deux cents têtes, estime-t-on – et dispose de toute une gamme de vecteurs, dont des sous-marins lance-missiles qui lui donnent une capacité de seconde frappe. En la matière, Israël ne tolère aucune concurrence. Il veut être la seule puissance nucléaire du Moyen-Orient, un élément clé pour asseoir sa suprématie militaire dans la région.

Israël veut être la seule puissance nucléaire du Moyen-Orient, un élément clé pour asseoir sa suprématie militaire dans la région.

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Arad, Netanyahou et leurs semblables ne croient pas une seconde que les dirigeants iraniens soient fous ou suicidaires. Ils savent très bien que, si la République islamique parvenait à acquérir l’arme nucléaire, elle ne se hasarderait jamais à risquer l’annihilation immédiate en la lançant contre Israël. Les bombes atomiques ne sont pas des armes d’attaque mais de défense. Elles apportent aux pays qui les possèdent une capacité de dissuasion.

Tel-Aviv refuse que l’Iran, ou quelque autre État du Moyen-Orient, puisse acquérir une telle capacité qui limiterait ses propres capacités à frapper ses voisins quand il le veut. Si l’Iran ou un État arabe disposaient de la puissance nucléaire, Israël n’aurait pas attaqué le Liban en 2006, ni la Syrie en 2007, ni Gaza en 2008.

Chantage

Pour Arad, les États-Unis et leurs alliés doivent adresser un ultimatum clair à l’Iran : « Démantelez la totalité de votre industrie nucléaire, ou vous serez attaqués. N’osez pas répliquer, car davantage de représailles suivraient. Et ne songez même pas à relancer votre programme nucléaire ensuite, car il serait à nouveau anéanti. » Il a exprimé ses positions brutales à maintes reprises, comme lors d’une allocution, en février dernier, à la Conférence annuelle du Canada sur la défense et la sécurité. Que recommande-t-il ? D’abord, de faire péricliter les exportations pétrolières iraniennes, puis de mener des frappes « chirurgicales » contre ses installations nucléaires et les Gardiens de la révolution. De telles frappes, avance-t-il, seraient bien plus simples à accomplir que les guerres d’Irak et d’Afghanistan, et elles n’entraîneraient que peu de dommages collatéraux. Balayant d’un revers de main la crainte régulièrement évoquée qu’une telle attaque n’embrase toute la région.

Comme son chef, Netanyahou, Arad rejette tout compromis avec l’Iran. Il récuse le point de vue très répandu selon lequel cet État, signataire du traité de non-prolifération, a le droit d’enrichir de l’uranium à des fins civiles, énergétiques ou médicales. Il ne veut rien savoir. Son seul argument : une frappe militaire présenterait bien moins de dangers que de vivre avec un Iran nucléaire. Si Téhéran obtenait la bombe, prévient-il, cela « accroîtrait encore la puissance de ce régime islamique extrémiste et militant », et conduirait les Arabes à se lancer dans la course au nucléaire.

Jusqu’ici, le président américain, Barack Obama, a résisté aux incessantes pressions d’Israël en faveur de la guerre et à son chantage permanent : « Si vous n’attaquez pas l’Iran, nous le ferons et vous serez obligés de vous joindre à nous, que cela vous plaise ou non. » Pour démentir ceux qui l’accusent d’être prêt à « laisser Israël dans la fosse aux lions », Obama s’est efforcé d’abreuver l’État hébreu de fonds, de renseignements, de veto favorables à l’ONU et d’armes, dont des avions de guerre et des bombes antibunkers dernier cri. Il s’est associé à Israël dans sa pratique du terrorisme d’État, comme la cyberguerre menée contre l’Iran.

Si l’on pouvait lire dans les pensées d’Uzi Arad, quels autres impératifs y trouverait-on ? D’abord, la nécessité de maintenir à tout prix la relation vitale avec la superpuissance américaine. Plus qu’une alliance, il s’agit d’un mariage, d’une fusion, d’une interpénétration des deux sociétés si profonde qu’il devient difficile de dire qui domine le couple. Ensuite, la nécessité d’assurer la domination militaire d’Israël sur le Grand Moyen-Orient par tous les moyens : guerre, sabotage, démembrement des États menaçants, mobilisation des États-Unis pour abattre certains régimes et assassinat d’opposants politiques. La longue liste des victimes d’Israël comprend aussi bien d’anciens chefs du Hezbollah et du Hamas que des scientifiques iraniens. Enfin, la nécessité d’empêcher la constitution d’un État palestinien qui mettrait fin au rêve d’un Grand Israël et pourrait même saper la légitimité du projet israélien, construit sur les ruines de la Palestine arabe.

Uzi Arad est le conseiller dangereux d’un dangereux Premier ministre. Dans la mythologie grecque, l’hubris conduit à la nemesis (la « vengeance »). Si l’État hébreu veut survivre à long terme, il devrait accepter et même encourager l’émergence d’un État palestinien, et nouer des relations pacifiques de coopération avec l’ensemble de la région. Mais il ne pourra survivre par le meurtre, la subversion, la domination et la guerre.

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