Dette cachée au Mozambique : le fils d’un ex-président et dix proches du pouvoir en prison
Onze proches du pouvoir au Mozambique, dont le fils d’un ex-président, ont été condamnés à la prison ferme, ce 7 décembre, dans le scandale de corruption de la « dette cachée » qui a plongé le pays dans une grave crise financière.
Près de dix ans après les faits, un tribunal spécial aménagé sous une tente blanche dans la cour d’une prison de Maputo a rendu son verdict : l’affaire concerne des prêts secrets de deux milliards de dollars accordés par des banques étrangères à des entreprises publiques mozambicaines, et garantis par l’État, officiellement pour des contrats d’équipements de pêche et de surveillance maritime.
Le procès, retransmis en direct à la radio et à la télévision, a duré sept mois. En combinaison orange de prisonniers pour certains, les 19 accusés étaient présents pour la lecture du verdict qui a duré une semaine. Tous des proches du pouvoir, jugés pour chantage, faux, détournement de fonds et blanchiment. « Les crimes commis ont eu des effets qui se feront ressentir sur des générations. Le pays a été bloqué, l’aide financière à l’État suspendue et la pauvreté s’est aggravée pour des milliers de Mozambicains », a déclaré le juge Efigenio Baptista.
Les plus grands coupables dans l’affaire sont l’ancien chef du renseignement et de la sécurité de l’État, Gregorio Leao, et l’ex-patron du renseignement économique, Antonio do Rosario, a-t-il estimé, les condamnant chacun à douze ans de réclusion. « Ils devaient être les gardiens de l’État », au lieu de cela, « ils ont cherché le point faible du président en approchant sa famille », a fustigé le juge.
33 millions de dollars en pots-de-vin
Ndambi Guebuza, fils de l’ancien président Armando Guebuza, a été reconnu coupable d’avoir joué les facilitateurs auprès de son père alors au pouvoir. En échange, il a touché 33 millions de dollars en pots-de-vin, dépensés en hôtels de luxe, voitures et villas de luxe. Cet homme, âgé de 42 ans aujourd’hui, a « financé ses goûts de luxe aux dépens de l’appauvrissement du peuple », a déclaré le juge, avant de prononcer une peine de douze ans également.
En tout, onze accusés ont été envoyés derrière les barreaux, huit ont été acquittés. L’actuel chef de l’État, Filipe Nyusi, a été mis en cause dans plusieurs témoignages mais n’a pas été inquiété par la justice. L’affaire remonte à 2013-2014. Nyusi est alors ministre de la Défense. Trois entreprises publiques empruntent deux milliards de dollars auprès de banques internationales pour financer des achats de navires de pêche et de patrouilleurs militaires.
Le scandale éclate en 2016 : l’argent a été emprunté secrètement, sans l’aval du Parlement et dans le dos des créanciers du pays dépendant de l’aide internationale. Le FMI et la Banque mondiale se retirent. L’ancienne colonie portugaise, déjà l’un des pays les plus pauvres au monde, fait défaut sur sa dette et sa monnaie, le metical, s’effondre. Le pays plonge dans la plus grave crise financière depuis son indépendance en 1975.
Un audit indépendant a révélé que 500 millions de dollars ont été détournés et restent introuvables.
L’ancien ministre des Finances, Manuel Chang, qui a signé les prêts, est détenu en Afrique du Sud depuis 2018, dans l’attente d’une décision sur une demande d’extradition déposée par les États-Unis. Le FMI a accordé un nouveau crédit au Mozambique en mars, le premier depuis le scandale. Mais qu’est devenu l’argent emprunté ? Surveillance maritime, patrouilleurs, chalutiers… Plusieurs audits n’ont pas pu déterminer exactement ce qui a été acheté.
Certains bateaux commandés par la Compagnie mozambicaine de pêche au thon (Ematum) à la France, ont bien été livrés et rouillent au port par manque de marins qualifiés, selon un rapport soumis à la justice. Un audit indépendant a révélé que 500 millions de dollars ont été détournés et restent introuvables. D’autres procédures sont en cours en Suisse, au Royaume-Uni et en Afrique du Sud. La banque Credit Suisse a été condamnée l’an dernier pour son rôle dans l’octroi des prêts secrets.
(Avec AFP)
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