France : Valls, droit dans ses bottes
Immigration, vote des étrangers, consignes aux policiers… Le ministre français de l’Intérieur, Manuel Valls, fait preuve d’une fermeté qui le rend très populaire. Un Sarkozy de gauche ? Non : un pragmatique.
« Vous imaginez les policiers, au soir des émeutes d’Amiens, distribuer des récépissés à tous ceux qu’ils avaient arrêtés ? » Des émeutes qui, en août dernier, avaient fait une vingtaine de blessés parmi les forces de l’ordre et des millions d’euros de dévastations ; « des récépissés » où chaque agent aurait justifié la régularité de ses interpellations et indiqué son numéro matricule pour faciliter d’éventuelles contestations. Inimaginable pour Manuel Valls, interrogé par des journalistes. C’est pourtant le nouveau ministre de l’Intérieur qui avait envisagé de généraliser ce système dans l’espoir de désarmer les polémiques sur les contrôles au faciès. Il assume aujourd’hui, sans complexe ni états d’âme, ce revirement pragmatique, en tous points conforme à ce qu’il appelle sa « culture du résultat ».
"Sarko de gauche" ?
Une couverture de magazine le présente comme le « Sarko de gauche ». À la sortie d’une réunion UMP, un participant ironise : « Avec lui à l’Intérieur, les socialistes ont fait un pas de Guéant. » En réalité, la gauche a bien changé depuis qu’elle a tiré les leçons réalistes de ses défaites électorales. Valls fait-il du Sarko parce qu’il entend « réhabiliter » la fonction de premier flic de France en restaurant, face aux violences, l’autorité de l’État dans la légitimité « républicaine » de ses décisions ? Claude Bartolone, le président de l’Assemblée, verrouille le débat : « Il n’est pas le problème, il est la solution. » Au risque, il est vrai, d’un constant et difficile équilibrisme, particulièrement dans le domaine le plus sensible de l’immigration.
Manuel Valls poursuit le démantèlement des campements de Roms, mais le soumet à de strictes conditions : une décision de justice sur plainte des collectivités locales, exécutée en coopération avec les associations de soutien aux gens du voyage et Dominique Baudis, le Défenseur des droits. En faveur des immigrés clandestins, il adoucit le régime de rétention administrative, le supprime pour les familles avec enfants, abolit la garde à vue pour motif de situation irrégulière ainsi que le délit de solidarité pour aide aux illégaux, supprime la franchise de 30 euros pour l’assistance médicale, améliore l’attribution des titres de séjour.
Emballage
Alors que Nicolas Sarkozy voulait réduire de moitié le nombre des immigrés, il facilite le droit au séjour, assouplit les procédures de régularisation et de naturalisation en remplaçant notamment les tests de connaissance prévus sous l’ancienne présidence par des entretiens d’assimilation, afin de « mieux évaluer l’insertion » des candidats.
En même temps, il se refuse à une régularisation massive des clandestins, maintient la cadence des expulsions, décide que le nombre d’étrangers admis chaque année sera fixé à l’occasion d’un débat au Parlement. Il souhaite que « l’arrivant soit perçu comme une chance, et non plus comme une menace », mais s’interdit tout signal « qui engendre de faux espoirs et crée un appel d’air ». Il évacue enfin l’embarrassante promesse d’un droit de vote pour les étrangers en la renvoyant au Conseil constitutionnel, c’est-à-dire aux calendes grecques. Le soupçonnera-t-on là encore de faire du Sarko ? « Question d’emballage », répond prudemment Alain Bauer, criminologue et ex-conseiller de Nicolas Sarkozy. À en croire les sondages, Valls emballe en tout cas une large partie de l’opinion : sympathisants de droite ou de gauche, ils sont près des deux tiers à souhaiter qu’il joue un rôle important dans les années à venir. Belle revanche, après les standing ovations de La Rochelle, pour l’avant-dernier du classement à la primaire socialiste. Et carrière à suivre.
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