Maroc : Mohamed El Baz, incurable créateur
Entre la France et le Maroc, Mohamed El Baz élabore une oeuvre totale en perpétuelle évolution depuis vingt ans.
« Je construis quelque chose dont je ne connais pas le terme. C’est vertigineux. » Depuis 1993, Mohamed El Baz crée sans fin Bricoler l’incurable, une oeuvre qui a pour ambition de traduire le mal-être contemporain, une fatalité sans solution. Par son art, il cherche à inquiéter le spectateur et, surtout, à l’interpeller sur les grands soubresauts de l’Histoire. « Les détails de mon travail arrivent au fur et à mesure », explique l’artiste franco-marocain, qui, à chaque nouvelle exposition, conçoit une installation appelée à devenir un nouveau fragment de ce projet titanesque, devenu son moteur de vie.
Début juillet, à Asilah, cité balnéaire au sud de Tanger, il s’est interrogé sur les conséquences du Printemps arabe dans le cadre de l’exposition « Horizons croisés », chapeautée par Brahim Alaoui, au Moussem culturel international de la ville. Sur des têtes de mort dessinées au mur, il avait juxtaposé les drapeaux des pays d’Afrique du Nord vidés de leurs couleurs. Au milieu, des microphones tournés vers l’extérieur et un tapis oriental à moitié tondu… Son engagement, dit-il, reste avant tout artistique et il nie vouloir faire passer un message politique. « L’art, plus on l’explique, plus il s’amoindrit », insiste-t-il.
Quête
Des yatagans en néons, des impressions sur plexiglas ou encore un squelette entouré de postes de radio, chacun réglé sur une fréquence pour évoquer les différents bruits du monde… Dans sa quête, El Baz s’appuie sur différents dispositifs scénographiques, des vidéos et des photos. Il reconnaît d’ailleurs être passionné par ce dernier support. C’est après avoir vu une exposition du photographe George Rodger (Magnum) qu’il a décidé de postuler à l’école des beaux-arts de Dunkerque (France), où il vivait avec ses parents. « C’est là que j’ai commencé à utiliser la photo comme un moyen et non plus comme une finalité », raconte le plasticien de 45 ans. Diplômé en 1989, il a poursuivi son cursus pendant trois ans à l’école nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy, puis enchaîné avec une année à l’Institut des hautes études en arts plastiques. Créée par le premier directeur du Centre Pompidou, le Suédois Pontus Hultén, en 1985, la formation s’adresse à des artistes émergents.
Depuis, El Baz a exposé ses créations aux quatre coins du monde, après s’être perfectionné dans des résidences en Tchécoslovaquie et aux États-Unis. Grâce à « Africa Remix », en 2005, son travail est passé par Paris, Düsseldorf, Tokyo, Londres et Johannesburg. Il avait conçu pour l’occasion l’installation Niquer la mort/Love suprême avec des images empruntées aux médias, des portraits d’inconnus et un atlas où les capitales mondiales étaient représentées par des cibles. Une sorte de charade renvoyant à l’actualité mondiale.
Une installation de Mohamed El Baz présentée à Asilah/Marie Villacèque, pour J.A.
Diaspora
Pour ce natif du Moyen Atlas qui a émigré dans l’Hexagone quand il avait 6 ans, « le fait d’appartenir à la diaspora donne une grande liberté de ton sur le Maroc ». Depuis qu’il y a présenté sa première exposition personnelle, en 2007, il est de plus en plus sollicité par ses compatriotes – il exposera ses oeuvres à Casablanca en mars 2013 – et a renforcé ses liens avec son pays d’origine en épousant une Marocaine dont il a deux enfants.
Aujourd’hui partagé entre Lille et Casablanca, Mohamed El Baz prépare une monographie aux éditions Skira pour le début de l’année prochaine et une exposition en octobre au centre d’art contemporain B.P.S.22, à Charleroi, en Belgique. Sa quête de « l’incurable » se poursuit…
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