Burundi : vérité et réconciliation, commission impossible ?

Des instances de justice transitionnelle devaient être mises en place en 2001. Onze ans plus tard, les Burundais attendent toujours.

Ban Ki-Moon, le secrétaire général de l’ONU, et le président Pierre Nkurunziza, en juin 2010. © AFP/ Esdras Ndikumana

Ban Ki-Moon, le secrétaire général de l’ONU, et le président Pierre Nkurunziza, en juin 2010. © AFP/ Esdras Ndikumana

Publié le 24 septembre 2012 Lecture : 3 minutes.

Burundi : retour sur scène
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Burundi : retour sur scène

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Pour crever les abcès et apaiser les esprits, l’accord d’Arusha (Tanzanie) pour la paix et la réconciliation au Burundi, signé le 28 août 2000 avant même la fin de la guerre civile, a prévu la mise en place de deux instances : la Commission Vérité et Réconciliation (CVR), dont l’objectif est de faire la lumière sur les actes de violence graves qui ont endeuillé le pays depuis l’indépendance jusqu’à la signature dudit accord, et le Tribunal spécial pour le Burundi (TSB). Depuis, bien que le Parlement burundais ait adopté en décembre 2004 une première loi régissant la commission, celle-ci n’est toujours pas constituée et, le gouvernement estimant que c’est sur la base des conclusions de la CVR qu’on décidera ou non de l’opportunité de mettre sur pied un tribunal spécial, l’existence même de ce dernier est encore moins à l’ordre du jour. La société civile regrette ce black-out sur le TSB puisque, jusqu’à présent, rien n’est prévu pour entendre celles des victimes qui seraient incapables de pardonner dans le cadre de la CVR et que, en l’absence d’un tribunal, la question de savoir si les personnes soupçonnées de crimes graves pourraient être «purement et simplement » amnistiées reste posée.

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La composition de la future CVR ne fait pas non plus l’unanimité. Au départ, elle devait être constituée de Burundais et d’étrangers, sa présidence étant réservée à un Burundais et sa vice-présidence à des étrangers. « Dans son avant-projet de loi, le gouvernement n’est plus dans cette logique. Il veut que la CVR soit uniquement burundaise. Le but est sans doute de rechercher une vérité de compromis pour se protéger mutuellement », estime un avocat. « La position du gouvernement est pour une composition non mixte, car le processus est burundo-burundais », rétorque Léonidas Hatungimana, le porte-parole du chef de l’État. Toutefois, admet-il, si la population est pour une composition mixte, le gouvernement se soumettra à la volonté populaire. En l’occurrence, la légitimité du processus dépendra de son acceptabilité par tous les groupes sociaux et politico-ethniques. « L’objectif est que les gens s’approprient ce processus, continue Léonidas Hatungimana. Aussi ne faut-il pas se figer sur les dates, mais plutôt sur la faisabilité de la mise en place de la CVR. »

L’accord d’Arusha dans le texte : "Une commission nationale appelée Commission Vérité et Réconciliation doit être établie. Elle doit avoir les fonctions suivantes : a) Enquête. b) Arbitrage et réconciliation. c) Clarification de l’histoire. […] Cette Commission doit mener son travail sur une période de deux ans".

Arusha, le 28 août 2000
 

Le 2 novembre 2007, un accord-cadre a été signé entre les Nations unies et le gouvernement pour la mise en place d’un comité de pilotage tripartite composé de deux délégués des Nations unies, de deux représentants de la société civile et de deux membres du gouvernement. De juillet 2009 à mars 2010, ce comité a mené des consultations nationales, qui ont accueilli 3 887 personnes sur les 4 837 invitées, soit un taux de participation de 80,36 %. Puis, en juin 2011, le président Pierre Nkurunziza a nommé un comité technique chargé de préparer l’installation de la commission, dont le rapport final (intégrant un avant-projet de loi régissant la CVR) lui a été officiellement remis le 18 octobre.

Pourtant, depuis, le gouvernement a décidé de mener d’autres consultations préalables. « Le président de la République a estimé qu’il faut y aller en douceur, c’est pourquoi il a dépêché les membres du gouvernement pour expliquer le contenu du rapport aux autorités à la base : administrateurs, conseillers communaux, etc. », explique Léonidas Hatungimana. Selon lui, un dernier rapport émanant d’un groupe de ministres est parvenu à la présidence le 19 juin, et il ne reste qu’à le compiler au précédent. Mais, à force d’attendre, la société civile et les Nations unies sont désormais sceptiques.

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