Qatar 2022 – Sepp Blater : « Gianni Infantino n’a pas à utiliser le Mondial pour faire de la politique »
Le président déchu de la Fifa n’a jamais caché son soutien au Maroc, dont il avait défendu en 2018 la candidature à l’organisation du Mondial 2026. Aujourd’hui, il souhaite aux Lions de l’Atlas d’aller en demi-finale. Entretien.
Président de la Fifa de 1998 à 2015, le Suisse Joseph Blatter était à la tête du football mondial quand l’organisation a décidé, en 2010, de confier la Coupe du monde 2022 au Qatar. Une décision discutée, contestée par certains et que Blatter a fini par qualifier d’« erreur », tout en expliquant que c’est sous l’influence du président français d’alors, Nicolas Sarkozy, que Michel Platini avait modifié son vote au dernier moment et permis à l’émirat d’emporter la décision.
Bien que réélu pour un cinquième mandat en 2015, il a démissionné la même année sur fond de scandales de corruption à la Fifa. En novembre 2021, Sepp Blatter a été entendu comme témoin, à Zurich, par des enquêteurs français s’intéressant aux conditions du choix du Qatar. Il revient pour Jeune Afrique sur la compétition qui se joue actuellement, sur son successeur Gianni Infantino, et apporte son soutien au Maroc à la veille de son quart de finale.
Jeune Afrique : Pour la première fois de son histoire, la sélection marocaine s’est qualifiée pour les quarts de finale de la Coupe du monde. Quel regard portez-vous sur cette équipe ?
Sepp Blatter : L’équipe des Lions de l’Atlas est très soudée, ses joueurs sont extrêmement talentueux. Leur préparation technique et psychologique est excellente. Maintenant, il ne leur reste plus qu’à aller en demi-finale. Personnellement j’y crois. Si l’équipe marocaine joue contre le Portugal avec la même confiance que face à l’Espagne, et qu’elle a un peu de réussite, alors elle peut y arriver.
Même si le Maroc est le dernier représentant de l’Afrique et du monde arabe, considérez-vous qu’on assiste à une émergence des pays dits « du Sud » dans le football mondial ?
Tout à fait, et je trouve que c’est une excellente chose. Cette Coupe du monde au Qatar montre l’émergence d’un « football du Sud » de très grande qualité. Et puis lorsque j’ai vu le Ghana battre la Corée du Sud (3-2), le Sénégal arracher sa qualification en 8e de finale, le Maroc vaincre l’Espagne, j’ai ressenti tellement de plaisir, tellement d’émotions. Je dis bravo à l’Afrique ! Et aujourd’hui, je peux dire que je me sens à moitié Africain moi aussi.
À l’échelle du continent, on voit qu’il y a eu du bon travail, et j’espère que la Fifa en fera encore plus pour développer le football africain, les championnats, les ligues. Il y a cinquante ans, j’ai participé à l’élaboration des premiers programmes pour développer le foot en Afrique. Ensuite, on a obtenu l’organisation du Mondial 2010 en Afrique du Sud. Je ne suis pas sûr qu’on revoie ça un jour !
Récemment, vous avez déclaré à la presse que le l’attribution de la Coupe du monde au Qatar avait été une erreur. Maintenez-vous ces propos ?
Quand la Fifa a reçu la candidature du Qatar, j’étais d’avis que c’était un pays trop petit pour organiser une Coupe du monde et qu’il y faisait bien trop chaud en été. Mais le comité exécutif de la Fifa a fini par la lui attribuer. Par la suite, ni moi ni mon successeur, Gianni Infantino, n’avons jamais remis en doute les capacités d’organisation de ce pays.
Maintenant que le Mondial est lancé, il faut le jouer et bien le jouer. On a dit beaucoup de mal de cette Coupe du monde, mais le football, qui mobilise plus de deux milliards de supporters, est plus fort que tout. On a même parlé d’un boycott, mais aucun joueur ne l’aurait ratée pour rien au monde. Tous rêvent de la disputer et de l’inscrire à leur palmarès. On constate in fine que cet événement est très bien organisé et qu’en plus on y voit du très bon football, c’est un succès.
Je vois bien que le football est devenu très politique. À l’origine, le foot, c’est de l’émotion, un formidable outil social et culturel. Ensuite, ce sport a pris une dimension économique énorme. Mon prédécesseur, Joao Havelange, m’a même dit que j’avais créé un « monstre ». Et qui dit « monstre économique », force sociale et culturelle, dit forcément politique. Moi, je pense qu’il faut que nos émotions restent au niveau du sport et de l’humain : dans un stade, on est tous à égalité.
Plusieurs ONG et chancelleries occidentales ont appelé au boycott du Mondial au Qatar. Gianni Infantino, votre successeur, a fustigé l’hypocrisie occidentale et déclaré que les Européens devaient s’excuser pendant au moins 3 000 ans pour tout ce qu’ils ont commis dans le passé. Comment prenez-vous ces déclarations ?
Gianni Infantino a fait de la politique. Or le président de la Fifa n’a pas à utiliser le Mondial pour faire de la politique. Il doit s’en tenir à la réalité des faits. On parle d’un match de foot, 11 joueurs d’un côté, 11 de l’autre, un arbitre, un ballon, il ne faut pas tout mélanger. Son discours n’a d’ailleurs pas été particulièrement bien reçu.
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