Palestine : comme un air de « Printemps »
Les habitants de la Cisjordanie multiplient les manifestations contre la vie chère. Ils réclament le départ de leurs dirigeants, tenus pour responsables de la dégradation de leurs conditions de vie.
« Le pouvoir au peuple. » Ce slogan, repris depuis dix jours dans la plupart des grands centres urbains de Cisjordanie, en dit long sur le ras-le-bol des Palestiniens. Un an après leurs voisins israéliens, les voilà qui protestent à leur tour contre la vie chère, en particulier la flambée des prix de l’essence, du gaz – en hausse de 12 % – et des produits alimentaires de base. Pourtant, c’est davantage du Printemps arabe dont semblent s’inspirer les Palestiniens. Comme en Tunisie avec Mohamed Bouazizi, les protestations ont fait écho à l’acte désespéré d’un jeune habitant de Gaza qui, le 2 septembre, s’est immolé par le feu en pleine rue. Ehab Abou al-Nada, 17 ans, travaillait du matin au soir pour seulement 30 shekels (6 euros) afin de soulager sa famille. Son geste a d’autant plus ému qu’en Cisjordanie près de 20 % de la population se trouve au chômage et vit dans une extrême pauvreté.
Salam Fayyad en première ligne
Après plusieurs appels à la mobilisation sur Facebook, des milliers de Palestiniens se sont d’abord rassemblés à Ramallah, siège de l’Autorité palestinienne du président Mahmoud Abbas. En grève, les chauffeurs de taxi ont bloqué le principal axe routier reliant la ville à Jérusalem, tandis que les commerçants fermaient leurs boutiques. Mais très vite, les rassemblements ont fait tache d’huile et se sont étendus à Naplouse, Bethléem, ou encore Hébron, la « ville des Patriarches », foyer de tensions quotidiennes. Le 10 septembre, des Palestiniens s’en sont pris à coups de pierres au bâtiment de la mairie puis à un commissariat de police. L’intervention brutale des forces de l’ordre a fait une cinquantaine de blessés. Comme au temps de l’Intifada, les jeunes chebab coiffés de keffiehs ont refait leur apparition en Cisjordanie, brûlant des pneus à tout-va pour maintenir une atmosphère de chaos.
Tout est parti de l’acte désepéré d’un jeune… qui s’est immolé par le feu dans la rue.
La colère des Palestiniens est avant tout dirigée contre leurs dirigeants, dont ils souhaitent ouvertement le départ. Du fait de la crise financière mondiale, l’aide promise par la communauté internationale tarde à être acheminée, et l’Autorité palestinienne manque cruellement de liquidités pour verser les salaires de ses 154 000 fonctionnaires. Le ministère des Finances dit toujours attendre 1,2 milliard de dollars de dons, dont 200 millions en provenance des États-Unis. Se sentant à la fois menacé et impuissant, le président Mahmoud Abbas a jugé plus sage de prendre le parti du peuple en qualifiant ses revendications de « justes et pertinentes ».
Il laisse en première ligne son Premier ministre, Salam Fayyad. L’homme qui a incarné le renouveau économique de la Cisjordanie se voit désormais accusé d’être corrompu et de mener une politique néfaste pour les plus démunis. En cause, un programme rigoureux de fiscalisation, censé ouvrir une voie de secours à son gouvernement.
Protocole à réviser
Pour atténuer la grogne sociale, le Premier ministre a décidé, le 11 septembre, de suspendre certaines mesures, tout en estimant que sa « démission ne résoudrait aucun problème ». La rue palestinienne exige à présent l’abrogation du protocole de Paris. Signée le 29 avril 1994, cette annexe aux accords d’Oslo stipule que les importations dans les Territoires palestiniens doivent être soumises à l’approbation de l’État hébreu, ainsi que les taxes douanières sur les exportations. Bien que l’Autorité de Ramallah se dise pénalisée par ces contraintes, qui limitent son développement économique, elle n’est jamais parvenue à obtenir la révision de ce traité bilatéral. Selon toute vraisemblance, sa nouvelle demande en ce sens a peu de chances d’aboutir. À moins que les tensions actuelles, qui pourraient dégénérer en nouvelle Intifada, ne poussent les Israéliens à lâcher du lest.
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