Gouvernement algérien : patientez jeunesse !

Un trentenaire, un quadra, quelques quinquagénaires… Promis par la génération de la guerre de libération, le rajeunissement de l’exécutif algérien se fait trop lentement.

Abdelmalek Sellal, nouveau chef du gouvernement algérien. © AFP

Abdelmalek Sellal, nouveau chef du gouvernement algérien. © AFP

Publié le 25 septembre 2012 Lecture : 5 minutes.

Au lendemain de la formation de son gouvernement, le nouveau Premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal, a souligné, le 5 septembre, qu’une partie de son équipe constituait la « relève qui devra assurer progressivement la gestion du pays ». Dans un contexte régional marqué par des bouleversements politiques majeurs, conséquences du Printemps arabe et de la volonté croissante des jeunes générations d’accéder à la gestion des affaires publiques, jusque-là chasse gardée de la génération de la guerre de libération (au pouvoir depuis un demi-siècle), cette déclaration a accentué la curiosité autour des nouvelles têtes du gouvernement Sellal. Mais, à bien y regarder, le rajeunissement de l’exécutif s’est opéré à dose homéopathique.

La moyenne d’âge des membres du gouvernement n’a pas connu de baisse sensible en raison du maintien de nombreux septuagénaires à la tête de ministères régaliens. En outre, sur les dix-huit nouveaux venus, on relève plusieurs anciens « jeunes ministres », à l’instar d’Abdelaziz Ziari, à la Santé, d’Abdelmadjid Tebboune, à l’Habitat, ou encore de Cherif Rahmani, à l’Industrie, la PME et la Promotion de l’investissement. Ces trois hommes ont plus de 65 ans, soit près de trente ans de plus que le benjamin du gouvernement, Belkacem Sahli, secrétaire d’État chargé de la Communauté nationale à l’étranger et premier membre d’un gouvernement algérien né après la révolution agraire (1971). La nomination de Belkacem Sahli marque également l’entrée au sein de l’exécutif du plus jeune leader d’une formation politique d’opposition, l’Alliance nationale républicaine (ANR, fondée en 1995 par Rédha Malek), dont il est le secrétaire général. Né le 22 novembre 1974 à Sétif, ce docteur d’État en mathématiques appliquées était, jusqu’à son arrivée au gouvernement, membre du conseil scientifique de la faculté des sciences de Sétif. Élu député lors des législatives du 10 mai 2012, il incarne désormais le courant républicain – opposé à tout compromis avec l’islamisme – au sein de l’exécutif.

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Belkacem Sahli, 37 ans, secrétaire d’Etat chargé de la Communauté nationale à l’étranger et benjamain du nouveau gouvernement.

© DR

Dissidents MSP

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À l’autre bout du spectre politique, un autre jeune fait ses premières gammes : Bachir Messaitfa, 50 ans (en Algérie, à ce niveau de représentation, on est encore classé parmi les jeunes), secrétaire d’État chargé de la Prospective et des Statistiques. Cet expert économiste chaabni (tribu arabe de la vallée du M’zab) est membre du Majlis el-Choura (comité central) du Mouvement de la société pour la paix (MSP, de Bouguerra Soltani). Section algérienne des Frères musulmans, le MSP, convaincu de sa victoire aux législatives, s’était retiré de la coalition gouvernementale à la veille du scrutin. Au lendemain de sa déroute, sa direction a décidé de ne pas faire partie du nouveau gouvernement. Mais Soltani semble avoir beaucoup de mal à faire respecter la discipline au sein de ses troupes.

À la présidence, on invoque l’expertise des anciens.

Sur les quatre ministres MSP du gouvernement sortant, deux se sont soumis à la décision du parti et deux autres ont choisi de ne pas s’y plier. Amar Ghoul, 51 ans, a claqué la porte du MSP, créé son propre parti – le Rassemblement espoir de l’Algérie (TAJ, en arabe) – et retrouvé son maroquin des Travaux publics. Quant à Mustapha Benbada, 50 ans, il conserve son portefeuille du Commerce sur « l’insistance du président Abdelaziz Bouteflika », prétend l’intéressé. Seul quadragénaire du gouvernement, Sid Ahmed Ferroukhi, 45 ans, ministre de la Pêche, est le plus jeune technocrate de l’équipe Sellal. Il doit sa nomination autant à son parcours universitaire qu’à son pedigree. Neveu de feu Mustapha Ferroukhi, premier chef de la diplomatie des indépendantistes du FLN durant la guerre de libération, Sid Ahmed Ferroukhi est entré en politique en passant par la case recherche scientifique. Ingénieur à l’Institut national de la recherche agronomique d’Algérie (Inraa), il y a gravi les échelons jusqu’à en devenir le directeur général adjoint en 1997, avant d’être nommé secrétaire général de l’Agence spatiale algérienne (Asal) en 2005.

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Têtes bien faites

Jeunes ou moins jeunes, les nouveaux membres du gouvernement sont classés dans la catégorie des « têtes bien faites ». Diplômés d’universités algériennes, françaises ou britanniques, ils sont les auteurs de nombreuses publications et ouvrages scientifiques. Sans surprise, les énarques (diplômés de l’École nationale d’administration d’Alger) constituent la majorité des nouveaux entrants. Outre Abdelaziz Ziari, un second professeur de médecine rejoint le gouvernement : Mohamed Tahmi, 53 ans, professeur agrégé en sciences médicales, jusque-là chef d’unité de cardiologie nucléaire au CHU de Bab el-Oued, à Alger, qui hérite du portefeuille de la Jeunesse et des Sports. Quant au successeur d’Abou Bakr Benbouzid, indéboulonnable ministre de l’Éducation nationale durant les deux dernières décennies, il s’agit d’Abdelatif Baba Ahmed, 61 ans, docteur en chimie quantique et recteur de l’université de Blida.

Problème de confiance ?

Dans la catégorie des ministres politiques faisant leur première apparition au gouvernement, outre le cas du benjamin, Belkacem Sahli, on retrouve Mohand Oussaïd Belaïd, alias Mohamed Saïd, 65 ans, patron du Parti de la liberté et de la justice (PLJ, opposition islamiste), rival malheureux de Bouteflika à la présidentielle d’avril 2009, qui n’a jamais cessé d’interpeller le pouvoir pour qu’il ouvre à l’opposition la gestion des affaires publiques. Sa nomination à la tête du ministère de la Communication, un portefeuille pour le moins sensible à la veille de la libéralisation de l’audiovisuel, constitue le signe d’ouverture le plus significatif dans la composition du nouveau gouvernement. Troisième chef de parti membre de l’équipe Sellal, l’économiste Amara Benyounès, 54 ans, secrétaire général du Mouvement populaire algérien (MPA), hérite d’un ministère d’importance à l’intitulé interminable : l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et de la Ville.

Au bout du compte, l’opération de rajeunissement de l’exécutif est pour le moins timide, voire symbolique : un trentenaire, un quadra et quelques quinquagénaires. Un problème de confiance dans les jeunes générations ? « Pas du tout, se défend-on dans les couloirs d’El-Mouradia. Deux ans nous séparent de l’échéance de 2014 [la prochaine présidentielle, à laquelle ne devrait pas se présenter Bouteflika, selon toute vraisemblance, NDLR], et l’achèvement du programme présidentiel requiert expertise et savoir-faire. Le chef de l’État ne peut se permettre de se passer de l’expérience acquise par certains ministres qui sont depuis quelques années aux affaires. » Cependant, rajeunissement ou pas, la déclaration de Sellal propulse les jeunes débutants de son équipe sous les feux de la rampe. En l’entendant annoncer qu’ils doivent assurer « la relève dans la gestion du pays », d’aucuns se sont demandé lequel d’entre eux serait l’heureux élu en 2014. À Alger, les paris sont d’ores et déjà ouverts.

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Par Cherif Ouazani, envoyé spécial à Alger

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