Mali : une armée… désarmée
Pour reconquérir le Nord, Bamako compte notamment sur des blindés commandés il y a plusieurs mois mais bloqués à Conakry. Ceux-ci pourraient être acheminés vers la capitale malienne, dans le cadre de l’accord entre le Mali et la Cedeao sur une intervention africaine contre les groupes islamistes armés.
Le 27 juillet, un cargo battant pavillon turc en provenance de Bulgarie accoste au port de Conakry. Scène ordinaire dans ce terminal où transitent notamment les marchandises à destination du Mali. Mais lorsqu’elles prennent connaissance de la nature du chargement, les autorités guinéennes s’alarment.
Et pour cause : le navire s’apprête à débarquer toute une cargaison d’armes lourdes à destination de Bamako. Informé, le président Alpha Condé saisit ses pairs de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Que faire de ces conteneurs ? Les livrer à l’armée malienne, contrôlée de fait par l’ex-putschiste Amadou Haya Sanogo ? Hors de question. L’institution sous-régionale décide d’un embargo.
Dans la sous-région, personne ne tient à ce que l’ex-junte mette la main sur la précieuse cargaison.
Dans la capitale guinéenne, on assure avoir voulu bien faire. « Nous avons agi dans l’intérêt du peuple malien, car à ce moment-là nous n’avions pas d’interlocuteur à Bamako », justifie Abdoul Kabèlè Camara, ministre délégué à la Défense. Il invoque des directives sécuritaires de la Cedeao et rappelle que les armes sont arrivées à Conakry le jour où Dioncounda Traoré, le président de la transition, revenait à Bamako après de longues semaines de convalescence à Paris. À l’époque, poursuit-il, on se demandait encore qui commandait vraiment au Mali. La composition du gouvernement d’union nationale réclamé par la sous-région ne devait être annoncée que vingt-quatre jours plus tard.
Fragilisés
Une fois les exigences de la Cedeao satisfaites, on s’attendait, au camp militaire de Kati (où Sanogo a élu résidence), à réceptionner la livraison tant attendue. En vain. Le 6 septembre, le secrétaire général du ministère malien de la Défense, le colonel-major Mamadou Idrissa Coulibaly, est donc dépêché à Conakry pour débloquer le dossier. Le même jour, à Bamako, un groupe de manifestants se dirige vers l’ambassade de Guinée. Objectif : faire pression. Devant l’important dispositif de sécurité déployé, le sit-in est finalement annulé. Un participant, très actif au sein du Mouvement populaire du 22 mars, favorable au coup d’État, maintient pourtant que « tout ce qui manque à l’armée, c’est cette logistique que la Cedeao bloque par des manoeuvres politiciennes ».
Car il est au moins un point sur lequel les chefs d’État de la sous-région sont tombés d’accord : ils ne veulent pas que l’ex-junte accapare tous les moyens d’exercice du pouvoir (en l’occurrence, les armes) au détriment d’autorités civiles qui ont été, ces derniers mois, grandement fragilisées. Au sein de l’armée malienne, on confirme que « cette situation est politique avant d’être militaire », et l’on assure que « ces armes peuvent constituer un plus dans la grande opération de reconquête du Nord », que l’on tient à réaliser sans intervention de troupes étrangères au sol.
Lance-roquettes
Renseignement pris, il s’avère que le matériel militaire a été commandé par le président Amadou Toumani Touré bien avant le coup d’État de mars dernier. Une partie a déjà été livrée courant juillet. Les armes ont été achetées en Bulgarie, en Biélorussie et en Ukraine ; il y aurait, rien qu’au port de Conakry, une dizaine de blindés légers (type BRDM) et de véhicules de transport de troupes ainsi que des « orgues de Staline » (camions équipés de lance-roquettes). À Bamako, une source militaire dit également vouloir mettre la main sur une vingtaine de pick-up bloqués au port d’Abidjan et sur des armes et des munitions en attente à Dakar et à Lomé. Elle précise que deux hélicoptères de combat, commandés eux aussi du temps d’ATT, sont bloqués en Ukraine.
Les chefs d’État devaient se réunir à Abidjan le 17 septembre et évoquer la question des armes bloquées à Conakry. Ils se prononceront quand les experts de la Cedeao, du Mali et de la Guinée auront terminé d’en faire l’inventaire. « Nous sommes maintenant dans l’attente », avoue-t-on au ministère malien de la Défense. La crainte, au palais de Koulouba comme à Kati, c’est d’attendre indéfiniment. Mais le récent accord ente la Cedeao et Bamako sur les conditions de déploiement d’une force ouest-africaine, le 23 septembre, laisse de bonnes chances de voir cette situation se résoudre prochainement.
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